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Liban : Michel Aoun élu à la présidence

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Le Général Michel Aoun a été élu Président de la République libanaise le 31 Octobre après plus de deux ans de vacance de l’institution. La politique compliquée et surprenante de ce petit pays du Proche-Orient, si proche culturellement de la France en raison du lien historique entre notre pays et la communauté maronite, pourrait laisser croire à une péripétie. Il s’agit peut-être d’un événement. D’abord, parce qu’il est un signe de la résistance victorieuse de l’axe Syrie-Iran-Russie face à la surprenante alliance des démocraties occidentales avec les monarchies wahhabites et les djihadistes qui combattent Bachar Al-Assad, à Alep, en ce moment même. Sans être le candidat de Damas qui préférait sans doute Franjié, Michel Aoun est au Liban l’allié du Hezbollah dont on sait la part qu’il prend dans le combat contre les rebelles syriens. Mais, c’est davantage la personnalité du Président élu qui doit soulever l’intérêt, en dépit de son âge. Il a 81 ans. Michel Aoun est une figure originale de la politique libanaise. Il n’appartient pas aux grandes familles quasi-féodales qui dominent la vie politique du pays, les Franjié, les Chamoun, les Gemayel chez les chrétiens. C’est l’un des six enfants d’une modeste famille rurale qui a choisi le métier des armes après de bonnes études dans des établissements catholiques. Sa formation d’officier a été à deux reprises complétée en France, à Chalons-sur-Marne et à Paris.
Michel Aoun est artilleur. Il gagnera ses grades notamment dans la période tragique de la guerre civile où il tentera de combattre l’explosion du pays déchiré entre milices confessionnelles et groupes étrangers, notamment palestiniens. Il est Lieutenant-Colonel en 1975 et se voit confier la 8e Brigade, multi-confessionnelle, en 1982. C’est à sa tête qu’il vaincra à Souk El-Gharb en 1983 les milices druzes du PSP de Walid Joumblatt et leurs alliés syriens qui voulaient envahir les secteurs chrétiens. Il s’opposera également à deux reprises à cette époque à la milice chrétienne des Forces Libanaises de Samir Geagea qui voulaient préserver leurs fiefs. Michel Aoun se veut un serviteur de l’Etat dans un pays où il compte peu. C’est une particularité qui fait de lui comme il le dit volontiers un « gaulliste » libanais. Il croit en son pays, souhaite y restaurer l’unité, préserver son indépendance et cultive à son égard un véritable patriotisme. C’est ce trait qui explique paradoxalement le parcours apparemment chaotique de ses choix politiques. Leur apparente incohérence est une adaptation à la réalité libanaise d’une intention qui n’a jamais dévié.
 Le « Général » veut un Etat suffisamment fort pour assurer la sécurité du pays et permettre à celui-ci de retrouver des infrastructures nécessaires à son développement et à une prospérité qui était la sienne dans les années 1960. En 1988, alors qu’il est le chef de l’Armée depuis quatre ans, le Président Amine Gemayel lui confie la mission de préparer l’élection présidentielle en lui donnant le poste de Président d’un gouvernement qui s’opposera à un autre gouvernement soutenu par la Syrie. Au Liban, le système confessionnel instauré dès 1926, précisé lors de l’indépendance en 1943, stipule que le Président est maronite, mais le Premier Ministre sunnite. L’accord de Taëf signé à cette époque en Arabie Saoudite diminuera d’ailleurs les prérogatives du Président par rapport au Chef de Gouvernement. Le Général s’y opposera, appellera à la résistance, n’hésitera pas à se tourner vers Saddam Hussein, pour combattre l’ingérence syrienne. Malheureusement, avec l’invasion irakienne du Koweit, les Etats-Unis trouvent un allié contre l’Irak à Damas et Aoun, malgré le soutien populaire des chrétiens est obligé d’abandonner la partie et de choisir l’exil en France où il demeurera 15 ans.
Lorsqu’il revient en 2005, à l’occasion de « la Révolution du Cèdre » et du départ de l’armée syrienne, le parti dont il a suscité la création l’attend. C’est le Courant Patriotique Libre qui connaît alors un succès électoral inattendu. Le général est élu député. Il est toutefois dans l’opposition, mais lors de l’intervention israélienne contre le Hezbollah, Aoun témoigne de sa solidarité avec les chiites libanais. Une alliance improbable s’installe entre le libanais patriote et chrétien et le mouvement chiite devenu le plus important, notamment en raison de sa force militaire, le Hezbollah. Deux groupes s’affrontent, celui du 14 Mars, pro-occidental unissant les sunnites et les partis chrétiens traditionnels. Aoun et le Bloc pour le changement et la Réforme, rejoints par le Hezbollah d’Hassan Nasrallah forment celui du 8 Mars qui remporte les élections de 2009. Le « Général » n’est pas élu lors de l’élection présidentielle de 2008, mais peu à peu sa position va être confortée par les événements. L’Arabie saoudite qui appuyait les sunnites à travers la famille Hariri se lasse de la complexité libanaise, ne tient pas ses engagements de financer l’équipement français de l’armée libanaise, trop proche à ses yeux de l’axe chiite.
Dans le pays voisin, la guerre civile menace de déborder au Liban et de laisser ses minorités chrétiennes, druze, alaouite et chiite à la merci des islamistes sunnites qui n’éveillent guère de sympathie chez leurs propres coreligionnaires libanais. Par ailleurs, le gouvernement Assad tient bon à Damas dans une syrie dont l’affaiblissement libère le Liban de toute menace sérieuse. Le général Aoun a rencontré le Président syrien, son ennemi d’hier et lui a dit que dès lors que la Syrie abandonnait toute prétention à l’égard du Liban, les deux pays pouvaient sceller une solide amitié. Nous en sommes là. Après avoir noué l’alliance avec les chiites, retrouvé l’unité relative des chrétiens à travers le soutien de son ancien adversaire Samir Geagea, Michel Aoun a obtenu l’accord de Saad Hariri le chef sunnite du groupe opposé. Il a été élu. Le nouveau Président est un homme de petite taille, d’apparence modeste et d’une grande simplicité. L’accueil est sympathique sans excès ni mise en scène, le ton est ferme sans être dur, mais on sent à la netteté du regard la détermination qui l’habite. Elle se résume en deux formules. « Je veux parler au nom de tous les Libanais ». Pour lui, le Liban n’est pas une fiction , mais une nation multiconfessionnelle et dont le Président incarne l’unité dans ses propos comme dans son action. « Nous ne défendons pas le Liban, nous défendons tout le monde ».
Le Président Aoun pense que le Liban offre aussi au monde et particulièrement à ce Proche et Moyen Orient bouleversé par les affrontements le modèle d’une coexistence respectueuse de la diversité. Ce Père de trois filles, ce grand-père de 8 petits-enfants, cet homme tranquille, presque banal est un responsable politique patient, opiniâtre, persévérant. C’est une chance que le Liban, et ses amis, la France en particulier qui l’a quelque peu délaissé, ne doivent pas laisser passer.
christian V

 

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