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Si la méthode, le slogan, la stigmatisation de gens qui n’y sont pour rien est inacceptable dans une société digne de ce nom même s’il s’agit d’une forme d’humour il n’en demeure pas moins que derrière ce slogan très violent se cache un ressenti non-dit de la majorité silencieuse des Bordelais, inquiète, angoissée et exaspérée par une évolution urbanistique de la ville qu’elle subit plus qu’elle ne la valide.

Malheureusement aujourd’hui notre société malmenée par un tourbillon de messages médiatiques qui donne le tournis n’arrive plus à analyser et comprendre qui est à l’origine de cette angoisse refoulée qui l’étreint. Angoisse de devoir partir en grande périphérie n’ayant plus les moyens d’assumer les charges fixes de leur appartement ou maison, achetés après des années de travail et de privations…

Vingt ans de travaux continus qui pollue l’atmosphère en poussière chargée de ciment, des quartiers champignon composés de dizaine de milliers d’appartements aux malfaçons récurrentes, des dizaines de milliers de nouveaux arrivants venants de partout et pas seulement de Paris mais en majorité de Gironde participent à ce sentiment anxiogène.
Quant on rajoute à cela des dizaines de milliers de véhicules nouveaux qui «thrombosent» la ville, un prix de l’immobilier inaccessible aux bordelais dont le salaire médian est de 1400€, les apprentis sorciers de cet urbanisme tumoral vont être les éléments déclencheurs du rejet des autres, sentiment ancré dans le cerveau reptilien de l’Homo sapiens-sapiens.

En effet, la surdensification urbaine de Bordeaux est la résultante d’une politique voulue par les élus municipaux et métropolitains de Bordeaux de tous bords, qui ont toujours trouvé des raisons vertueuses à la concentration urbaine. Mus pour des raisons différentes le maire de Bordeaux et l’ancien Président de la communauté urbaine sont tombés d’accord sur ce concept de métropole millionnaire.

Hors pour le premier cette vision s’intégrait dans une stratégie de visibilité politique dans le cadre de la préparation de l’élection présidentielle et pour l’autre par la volonté de copier-coller à Bordeaux des réalisations glanées de ci de là dans quelques déplacements internationaux. Hors la ville de Bordeaux n’est ni Chicago, ni New York, ni Tokyo, ni même une thèse universitaire théorique.

Notre cité repose sur une ossature urbaine revue au 18 et 19ème siècle avec des axes de circulations historiques peu modifiables. Cette vision d’une métropole millionnaire idée souvent développée dans les livres de sciences fiction des années 1950 me rappelle surtout la fable de la Fontaine : La grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf : « […la chétive pécore s’enfla si bien qu’elle creva. Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sage: Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs, tout petit prince a des ambassadeurs, tout marquis veut avoir des pages…] ».
Aujourd’hui les nouveaux arrivants qu’ils soient parisiens (dont certains repartent désenchantés, mais on en parle pas), girondins ou d’ailleurs, seront malheureusement les victimes de demain d’une image idyllique quasi mensongère qui au final est loin de la réalité du terrain. Si certains à Bordeaux ont la chance de pouvoir vivre en centre ville, aux Chartrons et dans les secteurs les mieux placés de la Bastide ils ne sont guère plus de 60.000, il en reste donc 180.000 qui sont les galériens d’un quotidien qui n’est pas relaté dans les plaquettes de communication, embouteillages, écoles en modulaires, piscines obsolètes, équipements sociaux rabougris, emplois aux très bas salaires…

Je ne sais pas s’il est encore temps de revoir la copie et de revenir à une harmonie plus humaine, en tout cas Bordeaux est devenue une grenade dégoupillée qui « pétera » au nez des bordelaises et des bordelais dans 7 à 10 ans.
Bonne chance à ceux qui auront à gérer la cité à ce moment là.

Philippe Dorthe le 26 octobre 2017.