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Nouveau Parlement et nouvelle Commission, quel programme maintenant pour l’UE ?

De manière assez attendue, la nouvelle politique mettra un accent particulier sur l’intégration économique à travers ce qui existe déjà : le marché unique, l’euro ou l’union bancaire mais aussi le développement de politiques communes. Dans l’ensemble, le budget de l’UE reste modeste et concentré sur des subventions agricoles. Si l’intégration économique européenne apporte des avantages, elle ne constitue toujours pas une réponse suffisante aux défis auxquels l’Europe est confrontée aujourd’hui.

Les temps changent et les défis sont nombreux. La course aux nouvelles technologies s’intensifie ; l’Europe ne peut plus compter sur les Etats-Unis pour sa défense ; la rivalité entre les Etats-Unis et la Chine refaçonne les relations internationales ; les politiques migratoires nationales ne parviennent pas à faire face aux pressions ; il est nécessaire de changer de vitesse en matière de décarbonisation et de transition écologique. De tels défis exigent une nouvelle division du travail entre les niveaux européen et national.

La réponse ne devrait pas être « plus d’Europe », mais de sélectionner des domaines où il existe un potentiel de fourniture de biens publics européens. L’UE doit maintenant jouer un rôle plus important dans les domaines politiques où elle apporte plus de valeur que les États membres ne peuvent le faire individuellement. C’est le cas lorsque les économies d’échelle sont importantes ou lorsque les résultats des politiques d’un pays affectent fortement les autres.

Sur l’économie, les relations économiques internationales sont un domaine dans lequel l’UE possède déjà des compétences clés, mais devrait en faire davantage. En mettant fin, par exemple, à l’indifférence affichée liée à l’utilisation de l’euro au-delà de nos frontières et en le rendant attrayant au niveau mondial. Ça passe par accorder des lignes de swap aux banques centrales partenaires. Aussi, lorsque la sécurité est en jeu, l’UE devrait avoir le pouvoir de bloquer les investissements étrangers à la majorité qualifiée.

Sur le plan écologique, il existe un grand potentiel d’action conjointe. Sans attendre la mise en place d’un système européen de taxe carbone, l’UE devrait pouvoir fixer, à la majorité qualifiée, des limites contraignantes pour les prix du carbone. Cela lui permettrait de s’acquitter de ses obligations internationales au coût le plus bas possible.

Dans la tech, il faut qu’elle se protège des cyberattaques qui ignorent les frontières nationales en mettant en commun ses ressources pour protéger et préserver son infrastructure numérique. Le leadership technologique exige des investissements dans la recherche. Un « Darpa » européen pourrait se concentrer sur des projets innovants.

Se protéger et mettre des frontières, aussi. Les réfugiés viennent partout en Europe, pas dans un État membre en particulier. Une solution à la crise migratoire devrait inclure un système commun de protection des frontières, un cadre juridique commun pour l’asile, des principes communs pour l’octroi de l’asile et des politiques de réinstallation des personnes à qui l’immigration a été refusée. A terme, il faut qu’il y ait une cohérence entre l’espace Schengen et le domaine de la politique migratoire commune.

L’Europe devrait également se ressaisir en matière de politique étrangère et de représentation extérieure. Les arguments en faveur d’une politique étrangère européenne sont solides, mais il persiste de profondes divergences politiques entre les membres.

Dans le domaine de la défense, des efforts devraient être consentis en faveur de politiques communes d’acquisition et d’exportation d’armements et d’initiatives de défense communes.

La réalisation de tout cela ne sera évidemment pas facile. Premièrement, il faut des fonds. Un nouvel accent mis sur le budget européen ne devrait pas se traduire par une augmentation de la charge fiscale globale pour les citoyens de l’UE, mais par un transfert des ressources vers le niveau européen.

Un débat est en cours sur les nouveaux instruments de financement du budget de l’UE. Mais il faut dans tous les cas une réforme des finances de l’UE, ce qui ne doit pas retarder pour autant les investissements présents. 

Deuxièmement, agir au niveau de l’UE n’est possible que si les préférences des États membres ne sont pas trop différentes. Certains pays se positionneront en premier et d’autres suivront ou non. L’Allemagne et la France doivent prendre des initiatives bilatérales mais en invitant toujours d’autres pays à y participer.

Troisièmement, les critiques viennent du fait qu’une offre accrue de politiques européennes porte atteinte à la souveraineté nationale. Mais on peut arguer que c’est de l’hypocrisie déguisée. Dans les domaines politiques examinés, le choix n’est pas entre la souveraineté nationale et la souveraineté européenne. C’est entre la souveraineté européenne et rien du tout.

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Cet article a été publié par le site de Bruegel.

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