« L’argent public n’existe pas, il n’y a que l’argent des contribuables » MARGARET TCHATCHER: PORTRAIT OF THE IRON LADY
Margaret Thatcher naît le 13 octobre 1925 à Grantham, en Angleterre. Elle est issue des classes moyennes, voire d’un milieu modeste. Elle est la fille d’Alfred RobertsAlfred Roberts (1892 – 1970) et de Beatrice Roberts, née Stephenson (1888 – 1960). Sa mère est couturière, un de ses grands-parents, gallois, est cordonnier, l’autre, irlandais, est cheminot. Membre du Parti conservateur local, son père est à l’origine un petit épicier de quartier qui va connaître une ascension sociale grâce au travail et à l’épargne au point de devenir brièvement maire de Grantham en 1945-1946, perdant son poste de conseiller municipal lorsque le Parti travailliste remporte pour la première fois les élections municipales en 1950. Sa sœur aînée, Muriel, est née en 1921 dans l’appartement au-dessus de la boutique familiale.
Margaret Thatcher va pendant sa jeunesse aider à faire fonctionner l’épicerie, donnant naissance à des intuitions favorables au libre-échange et au marché. Elle suit une éducation rigoureuse et très imprégnée par le méthodisme, pour lequel son père prononce des sermons. La foi de Margaret Thatcher est l’un des fondements du thatchérisme : sa morale religieuse préconise aux hommes de « travailler dur », afin d’élever leur position sociale par l’épargne et le mérite, dénotant un lien évident avec L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme de Max Weber. Elle confia à ce propos : « Nous étions méthodistes, c’est-à-dire que nous aimions l’ordre, la précision et la rigueur. »Elle découvre très jeune la politique à travers l’engagement de son père.
Élève brillante, elle se révèle être un bourreau de travail, aptitude qu’elle préservera toute sa vie durant. Elle étudie jusqu’au lycée dans la ville, rejoignant la Kesteven and Grantham Girls’ School avec une bourse. Elle passe la première partie de la Seconde Guerre mondiale à Grantham, qui est bombardée. En 1943, elle est admise au Somerville College de l’Université d’Oxford, pour un cursus de chimie. Elle est alors la première de sa famille à entrer à Oxbridge, qu’elle finance grâce à des bourses Elle étudie la cristallographie sous la tutelle de Dorothy C. Hodgkin (prix Nobel de chimie en 1964), et effectue des recherches sur la gramicidine B, un antibiotique polypeptidique. Elle sort de l’université avec une licence de chimie. Elle rejoint dès son arrivée l’Oxford University Conservative Association (OUCA), l’association des étudiants conservateurs d’Oxford et, en octobre 1946, elle en devient la présidente, étant la troisième femme à accéder à ce poste. Son origine sociale et son engagement politique en font une personnalité atypique, la plupart des étudiants étant progressistes et de milieu social élevé. Alors qu’elle a une aventure avec un étudiant d’un milieu aristocratique, elle est humiliée par la famille de celui-ci pour son rang social inférieur.
Malgré le snobisme ambiant, elle parvient à faire passer le nombre de membres de l’OUCA de 400 à son arrivée à plus de 1 000 durant sa présidence. Dans le même temps, elle participe pour la première fois au congrès national du Parti conservateur britannique à Blackpool.
De 1947 à 1951, elle travaille dans le secteur de la recherche en chimie, dans l’industrie des plastiques, chez BX Plastics. En 1949, désignée candidate conservatrice dans la circonscription de Dartford, elle déménage de Colchester et rejoint J. Lyons and Co.
La politique économique et sociale de Margaret Thatcher, le « thatchérisme », est, avec le « reaganisme », son pendant américain à la même époque, l’un des deux principaux avatars de la « révolution conservatrice » que connaît le monde à la suite de la phase de récession s’ouvrant avec les deux chocs pétroliers et la crise du keynésianisme. C’est dans les années 1970 que le thatchérisme prend forme, sous l’influence des penseurs et think tanks (clubs de réflexion) libéraux. Le thatchérisme se définit par trois caractéristiques fondamentales : le conservatisme politique, le libéralisme économique et le traditionalisme social. Margaret Thatcher se revendique d’Edmund Burke, économiquement libéral mais politiquement conservateur.
Margaret Thatcher accorde une grande importance aux valeurs victoriennes du travail, de l’ordre, de l’effort et de self-help, qu’elle reçut dans son éducation et dont elle dit dans ses Mémoires qu’elles jouèrent un grand rôle dans son parcours. Dès ses années d’université, elle se familiarise avec les idées libérales, à travers la lecture de La Société ouverte et ses ennemis de Karl Popper, La Route de la servitude ou, plus tard, La Constitution de la liberté de Friedrich Hayek[72]. Il s’agit là d’une source d’inspiration importante de sa pensée, avec les ouvrages libéraux que lui conseillera Keith Joseph[73]. De façon générale, le thatchérisme puise son inspiration politique et économique dans ces théories et dans celles de l’École monétariste de Chicago, incarnée par Milton Friedman, de l’école de l’offre d’Arthur Laffer et de l’École autrichienne, connue à travers Friedrich Hayek.
Les libéraux classiques, comme Adam Smith, ont aussi eu une importante influence sur Margaret Thatcher, qui était convaincue de la justesse de la métaphore de la « main invisible ». Elle encourage de ce fait les libertés économiques individuelles, car elle les considère comme permettant le bien-être de la société tout entière.
Margaret Thatcher mettra en application ces théories en réduisant fortement les dépenses publiques et la pression fiscale, en luttant contre la forte inflation de la fin des années 1970 par des taux d’intérêt élevés et en favorisant l’ouverture économique aux capitaux étrangers, et son corollaire : la fin des subventions aux « canards boiteux » (fermeture des mines non rentables par exemple), ce qui tranche avec le volontarisme des voisins européens pour tenter de sauver l’industrie au cours des années 1980. Nigel Lawson, chancelier de l’Échiquier entre 1983 et 1990, déclare ainsi en 1980 :
« La politique économique du nouveau conservatisme repose sur deux principes : le monétarisme et le libre marché en opposition à l’intervention de l’État et à la planification centralisée »
— Nigel Lawson, Conférence du « Bow Group » en août 1980
Elle revendique également des idées antisocialistes et écrit dans ses Mémoires : « je n’ai jamais oublié que l’objectif inavoué du socialisme – municipal ou national – était d’accroître la dépendance. La pauvreté n’était pas seulement le sol nourricier du socialisme : elle en était l’effet délibérément recherchée ». Dans un discours devant le Conseil central de son parti, en mars 1990, elle déclare : « Le socialisme a l’État pour credo. Il considère les êtres humains ordinaires comme le matériau brut de ses projets de changements sociaux. »
Concernant les vecteurs de transmission de ces idées, on peut souligner le rôle des think tanks libéraux britanniques comme l’Adam Smith Institute, fondé en 1977, l’Institute of Economic Affairs, fondé en 1955, ou le Centre for Policy Studies, fondé en 1974 par Keith Joseph.