L’excision en Afrique : un fléau qui perdure
Malgré un recul sensible depuis les années 1990, 200 millions de filles et de femmes, actuellement en vie, dans le monde ont été victimes d’excision. Cette pratique, très ancrée dans les traditions, a des conséquences terribles sur la vie des filles. Explication de ce fléau.
Les mutilations génitales féminines
Les mutilations génitales féminines, plus communément appelées excisions, désignent l’ablation partielle ou totale des organes génitaux féminins ou toute autre lésion pratiquées pour des raisons non médicales.
Dans la plupart des pays, la majorité des filles sont excisées avant leurs 5 ans. En janvier 2023, l’Organisation Mondiale pour la Santé (OMS) rappelle que : « Les mutilations sexuelles féminines sont internationalement considérées comme une violation des droits des jeunes filles et des femmes. Elles sont le reflet d’une inégalité profondément enracinée entre les sexes et constituent une forme extrême de discrimination à l’égard des femmes. Elles sont presque toujours pratiquées sur des mineures et constituent une violation des droits de l’enfant. Ces pratiques violent également les droits à la santé, à la sécurité et à l’intégrité physique, le droit d’être à l’abri de la torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que le droit à la vie lorsqu’elles ont des conséquences mortelles. »
Au moins 200 millions de filles et de femmes, toujours en vie, ont subi des mutilations sexuelles dans 31 pays, majoritairement en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie. 2 millions de cas supplémentaires pourraient se produire d’ici 2030.
Ces pratiques sont en recul progressif : dans la trentaine de pays où les excisions sont les plus répandues, moins d’un tiers des filles les subissent aujourd’hui, contre près de la moitié en 1994. Un progrès permis par des actions menées par les pays touchés, leurs sociétés civiles et un programme conjoint de l’UNICEF et du Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) lancé en 2009.
La tradition, principale cause de l’excision dans le monde
En 2023, les mutilations génitales féminines et leurs justifications culturelles – pression sociale, conformisme – subsistent en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. On y enregistre toujours les plus forts taux d’excision au monde, estimé à 91.5 millions. Seuls 3 pays n’ont pas encore adopté de loi contre ces pratiques : le Libéria, le Mali et la Sierra Leone.
La propension à l’excision dans ces pays s’explique essentiellement par sa dimension culturelle, traditionnelle et/ou religieuse. La pratique fait partie d’un rituel traditionnel de passage à l’âge adulte pour les filles âgées de quinze ans maximum, âge auquel elles sont censées se marier. Traditionnellement, l’excision se pratique juste avant le mariage, afin de rendre la future jeune mariée « pure » aux yeux de son futur mari.
Contrairement à des idées reçues, l’excision n’est pas pratiquée uniquement par des musulmans. Selon les historiens, la pratique aurait démarré en Haute-Égypte du temps des pharaons. Soit bien avant les religions monothéistes et l’écriture du Coran et de la Bible. En Sierra Leone, 80 % des femmes chrétiennes étaient excisées en 2008. A l’inverse, on observe que plusieurs pays musulmans du continent africain ne la pratique pas, comme la Tunisie ou l’Algérie.
Le procédé a perdu de son sens traditionnel et culturel : l’opération est aujourd’hui généralement réalisée dans les 40 jours suivant la naissance en milieu urbain et avant l’âge de 5 ans en milieu rural.
Les hommes refusent parfois d’épouser une fille non excisée, car l’excision est aussi un moyen pour les hommes de contrôler la sexualité des femmes.
Le tabou autour du sujet, la pression sociale, le manque d’information sur ses conséquences néfastes pour la santé, les croyances et les superstitions très ancrées dans les communautés, font de l’excision une des pratiques traditionnelles néfastes les plus difficiles à éradiquer.
Les mutilations génitales féminines en Afrique : quand les hommes aussi veulent en finir
« Tant que les hommes exigeront des femmes excisées, il y aura des femmes exciseuses et des mères pour les soutenir. » Ces mots forts sont prononcés par un homme, Babacar Sy. Il est travailleur social à Kolda, dans le sud du Sénégal : « Dans ce combat difficile, il faut cibler les hommes, car ce sont eux qui ont le pouvoir de décision, eux qui président aux cérémonies, même si ce sont les femmes qui font le geste. »
De plus en plus d’hommes s’emparent de ce combat. Alors que les actes de mutilation perdurent presque partout sur le continent, les hommes y sont majoritairement opposés. En Ethiopie – l’un des trois pays où le taux d’excision des filles est le plus élevé avec la Somalie et l’Egypte -, 87 % des hommes se sont déclarés contre, selon une analyse de l’Unicef mise en avant le 6 février lors de la Journée internationale dédiée à la lutte contre les MGF.
Ce constat apparaît paradoxal dans ces pays où entre 85 % et 98 % de la population féminine a subi une excision totale ou partielle. Les résistances sont tenaces et l’instabilité politique, les crises économiques, les déplacements de populations, les conflits, les pandémies qui déstabilisent les structures sociales et les relais de santé freinent les actions de plaidoyer.
Maya Cottet-Emard