Le jour d’après : et si Biden était élu que ferait-il ?
Il y a fort à parier que dans la nuit du mardi au mercredi 3 novembre 2020, de nombreux acteurs de la vie politique à travers la planète auront les yeux tournés vers la Etats-Unis. En effet, sauf à ce que nous revivons le duel Bush v. Al Gore de 2000, c’est aux environs de 23 heures (heure de Washington) du mardi 3 novembre que nous devrions avoir une première tendance quant aux résultats de l’élection présidentielle qui verra s’affronter le président sortant Donal Trump et le candidat démocrate Joe Biden. Sauf contestation de dépouillement dans un des 8 swing states (états susceptibles de passer d’un camp politique à un autre), le nom du prochain président des Etats-Unis devrait être connu vers 3 heures du matin (heure de Washington). Quels que soient les sondages qui à trois mois donnent le candidat démocrate en avance de plus de 10 points sur le président sortant, le vote sera probablement serré car la mobilisation de l’électorat dans les deux camps se fera aussi en dernière minute.
En effet au cours des quatre dernières années, le rapport entre l’actuel locataire de la Maison Blanche et le peuple américain n’aura jamais été aussi clivant. C’est donc peu dire que d’un côté dès la fin août, les partisans du candidat républicain se jetteront dans la dernière ligne droite de la campagne pour mobiliser fortement le peuple américain. De l’autre côté, ce seront tous les opposants à Donald Trump qui attendent aujourd’hui fébrilement de démontrer que la présidence Trump n’aura été qu’une parenthèse dans l’histoire politique des Etats-Unis. Mais attention, on ne saurait parler de parenthèse que si la politique de son éventuel successeur démocrate changeait substantiellement. Il convient donc de regarder de plus près ce que serait la politique de Joe Biden au travers de trois de ses principaux engagements, s’il était élu le 3 novembre prochain.
Tout d’abord, Joe Biden fait une place importante à la politique climatique en affirmant vouloir un Green New Deal pour faire face aux défis du changement climatique. Il souhaite notamment que les Etats-Unis investissent massivement dans les énergies renouvelables pour parvenir à une économie entièrement décarbonée à l’horizon 2050. Le candidat démocrate dit aussi vouloir lutter contre les comportements abusifs de certains pollueurs, en particulier face aux plus démunis et aux plus vulnérables qui subissent dans leur quotidien les nuisances environnementales. Au plan international, Joe Biden promet d’engager de nouveau les Etats-Unis dans l’Accord de Paris et souhaite contraindre ses partenaires étrangers à tout mettre en œuvre pour respecter leurs engagements en matière de changement climatique. Pour pouvoir apprécier le véritable changement de politique qu’il propose, c’est dans sa capacité à surmonter, le moment venu, les difficultés de la mise en œuvre d’une politique audacieuse face à des lobbies industriels puissants, que Joe Biden apparaîtra ou non comme un président bien éloigné de son prédécesseur.
Ensuite, Joe Biden est en faveur d’un nouveau plan d’accessibilité à l’assurance maladie (Affordable health insurance) pour près de 100 % des Américains. Il dit vouloir contraindre les 14 Etats qui s’organisent pour refuser l’aide médicale à plus de 4,9 millions d’Américains aux revenus les plus faibles. Par ailleurs, il entend s’attaquer à l’industrie du médicament qu’il accuse de pratiquer des prix trop élevés. C’est ainsi qu’il veut autoriser l’importation aux Etats-Unis de médicaments étrangers à meilleur coût. Le projet de Joe Biden, qui était au centre des débats de la primaire démocrate, est très ambitieux. Mais fort de l’expérience de l’Obamacare, le véritable défi cette fois-ci sera d’élaborer un système qui ne serait pas détricoté en cas de changement politique. Seule une politique qui bénéficierait durablement au plus vulnérables serait de nature à constituer une véritable rupture avec le passé.
Enfin, s’agissant de la politique internationale, le candidat démocrate veut lutter contre la corruption internationale et favoriser la démocratie à l’échelle de la planète. Il souhaite également que les Etats-Unis et leurs alliés constituent un front uni à l’égard de la Chine. Mais surtout Joe Biden affirme que s’il devient président, l’engagement des Etats-Unis dans l’OTAN sera sacré et non conditionnel. Il va plus loin en considérant qu’il faudra surtout revigorer l’alliance militaire avec l’Australie, le Japon et la Corée du Sud. Le volontarisme international de l’ancien vice-président de Barack Obama n’est pas contestable et il est plus favorable au multilatéralisme que ne l’est l’actuel président. Cependant, il serait prudent d’attendre pour voir ce qui sera décidé en fin de compte, et ce pour deux raisons. Tout d’abord, dans son ouvrage consacré à son mandat d’ambassadeur des Etats-Unis, Samantha Power a pu souligner la prudence et le pragmatisme de l’administration Obama dont faisait partie Joe Biden. Ensuite, le clivage politique de Donald Trump est tel qu’il forcera toute autre administration à s’aligner sur certaines de ses positions. C’est ainsi que la ligne politique entre la Chine et les Etats-Unis pourrait ne pas diverger fondamentalement d’une administration à une autre ; qu’en serait-il par ailleurs de la relation privilégiée avec l’Europe occidentale Autant de questions qui sont fondamentales et pour lesquelles nous n’avons pas de réponse très précise.
A trois mois de l’élection américaine, il n’est donc pas inutile, pour nous Européens, de nous interroger sur ce que serait effectivement la politique de Washington dans l’hypothèse d’une éventuelle administration démocrate, afin de n’être ni surpris, ni déçus le moment venu !
1 Les éléments de propositions du candidat sont issus de son site officiel de campagne à la date du 15 juillet 2020 ainsi que des articles qu’il a publiés.
2 Il s’agit de l’Arizona, La Caroline du Nord, la Floride, Le Michigan, le Minnesota, le New Hampshire, la Pennsylvanie et le Wisconsin
1 Samantha Power, The Education of an Idealist, Harper Collins, NY, 2019