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L’armée française doit-elle quitter le Niger? Par Francis George

La tentative de renversement du président nigérien Mohamed BAZOUM, élu à 55% des suffrages
exprimés au second tour en 2022, constitue une étape de la lente détérioration sécuritaire en
Afrique de l’Ouest ; elle s’inscrit dans une inexorable régression de la démocratie sur le continent.
Le sursaut qu’elle exige des démocraties doit s’ancrer dans les réalités vécues sur le continent pour
mieux aborder les défis systémiques du 21ème siècle. Le président BAZOUM n’a toujours pas renoncé
à son mandat ; sa ténacité est un exemple de même nature que celui donné par le président
Ukrainien ZELINSKI en 2022, n’en déplaise aux tenants d’un immobilisme irresponsable en cette
époque d’opérations spéciales menaçant ou agressant des démocraties pourtant bien établies.

L’histoire de la décolonisation constitue l’une de ces réalités ; les pères des indépendances
africaines, dès leur prise de pouvoirs dans les années soixante, avaient esquissé des perspectives
qui, encore aujourd’hui, constituent les ferments de fractures à l’œuvre en Afrique de l’ouest. Le
morcellement de l’Afrique équatoriale et de de l’Afrique occidentales françaises en de multiples
entités nationales, propice à des rapports de forces plus favorables à l’ancien colonisateur,
constitue, avec le maintien du franc CFA, un grief récurrent. Les péréquations budgétaires opérées
par l’administration coloniale avaient, d’emblée, posé la question cruciale de la solidarité entre les
pays africains devenus indépendants. Félix HOUPHOUËT-BOIGNY, premier président de la
République de Côte-d’Ivoire, conscient de la richesse relative de son pays et des transferts qu’elle
générait au profit des autres fractions de l’Afrique Occidentale Française, développa une ligne
politique mettant fin à ces transferts, principalement au détriment du Sénégal et d’un Sahel plus
pauvres.

Kwamé NKRUMAH, premier président du GHANA (Gold-Coast britannique), plutôt prosoviétique,
considérait qu’un panafricanisme basé sur une autonomie alimentaire assurée en Afrique Centrale
(Bassin du fleuve Congo) serait le moteur de l’ensemble du continent.

Une ligne intermédiaire défendue par Léopold SEDAR-SENGHOR, premier président du Sénégal,
privilégiait une fédération réunissant l’ancien Soudan français (Mali) et le Sénégal ; la Haute-Volta
(Burkina-Faso), le Dahomey (Bénin) et la Côte d’Ivoire ayant refusé d’y participer.

Cette insuffisante solidarité entre les pays d’Afrique de l’Ouest n’est pas sans conséquences sur les
difficultés majeures que vivent les peuples du Sahel alors que les visions politiques des pères de la
décolonisation n’ont toujours pas fait l’objet de synthèses. Les perspectives démographiques
l’exigeraient pourtant ; le continent sera le plus peuplé de la planète à l’horizon 2050 et l’Afrique de
l’Ouest côtière en constituera le pôle démographique majeur. Ainsi, la conurbation quasi-continue
entre DAKAR et DOUALA, génère des risques sanitaires, sociaux et sécuritaires qui interrogent la
relation entre ses métropoles et leurs hinterland nationaux et sous régionaux. Kwamé NKRUMAH
faisait preuve de lucidité lorsqu’il affirmait que l’Afrique Centrale constituait potentiellement le
grenier nourricier de l’ensemble du continent ; le conflit en Centre-Europe vient de démontrer
l’urgence de développer une agriculture africaine à la hauteur de son potentiel, une thèse défendue
par le commissaire togolais aux affaires économiques de UEMOA, Kako NUBUKPO, promoteur du
développement des rendements agricoles africains et d’une souveraineté monétaire nettement
plus convaincants que les logorrhées activistes sur ces sujets

Traiter ces problématiques suppose donc une approche pluridisciplinaire englobant ces visions
politiques en souffrance de synthèse, les perspectives démographiques, sociales, économiques et
monétaires, institutionnelles, géographiques, urbaines, environnementales et sécuritaires. Pour ne
pas avoir su coordonner ses acteurs en charge de ces questions fondamentales sur le continent, la
France se trouve aujourd’hui confrontée au ressentiment d’une jeunesse africaine avide des
standards de confort occidentaux que véhiculent médias et réseaux sociaux.
L’amélioration des conditions de vie des populations du subsahariennes passe par cette approche
multi vectorielle évoquée plus haut. Elle peut être structurée sur une base géopolitique.

Enjeux et Perspectives sous régionales

Il peut paraître rassurant, intellectuellement, de faire peser sur les puissances occidentales la
responsabilité de la déstabilisation du Sahel par leur intervention en Lybie. C’est oublier que les
ferments de cette déstabilisation couvaient dès avant la chute du régime de Mouammar KHADAFI,
alors même que le Sahel subissait les effets collatéraux de la décennie noire en Algérie (1991-2002).
Les Etats subsahariens, assez peu soucieux des conditions de vie de leurs populations Sahéliennes,
éprouvèrent alors des difficultés sérieuses à financer leurs politiques publiques dans ces régions
désertiques, notamment après la crise financière de 2008. Si l’intervention occidentale en Lybie a
favorisé un glissement de groupes armés vers le sud, elle ne peut constituer à elle seule la cause
principale de la détérioration sécuritaire au Sahel, comme certains acteurs politiques opportunistes
le laissent accroire en invoquant cette origine mono-vectorielle. Il est vrai qu’elle a l’avantage de
déresponsabiliser les acteurs du continent quant aux facteurs endogènes de cette déstabilisation.

Politique

Dans une perspective de complémentarité et de solidarité entre l’Afrique sahélienne et le Golfe de
Guinée, il conviendrait prioritairement d’esquisser, enfin, cette synthèse introuvable entre les
différentes visions politiques des pères des indépendances africaines. Entre la tentation du repli
national et celle du traitement de problématiques très spécifiques au niveau continental (la Zone
de Libre Echange du Continent Africain ZLECAF reste une initiative heureuse à concrétiser), une voie
médiane pourrait être trouvée en renforçant la cohésion, les compétences et les moyens des
institutions sous régionales, particulièrement ceux de la CEDAO dont l’actualité nigérienne
démontre l’urgence. A cet égard, les chefs d’Etats d’Afrique de l’Ouest ont une responsabilité
historique ; il leur revient de définir des priorités et d’adapter ses compétences et ses moyens.

Dans un contexte de contestation et d’agression des démocraties, et contrairement aux appels au
désengagement au NIGER, le courage remarquable du Président Mohamed BAZOUM devrait
conduire les exécutifs occidentaux à soutenir vigoureusement son rétablissement par une
intervention Ouest-Africaine. A l’exception de Niamey, son assise démocratique à 55% des suffrages
exprimés au second tour en 2022, ne souffre aucun doute. C’est la crédibilité des démocraties qui
est en jeux en Afrique et dans le monde. Nous avons basculé dans une autre époque le 24 février
2022 ; il est grand temps de prendre la mesure du défi qui est leur est imposé collectivement, à
savoir défendre leurs valeurs là où elles font l’objet de majorités politiques claires et sont agressées.
C’est le cas du NIGER.

Démographique

La progression et la concentration urbaine exceptionnelles de la population Ouest-Africaine, comme
les migrations internes à la sous-région, font peser des risques importants sur sa stabilité. Mal
maîtrisé, ce développement urbain accentue les risques sanitaires, environnementaux et
sécuritaires de la sous-région (Voir Jacques Blamont – Introduction au siècle des menaces – Odile
JACOB 2004).

A cet égard, géographes et urbanistes s’accordent à penser que cette concentration
des activités économiques et des populations dans des régions littorales, un héritage colonial qui
faisait des ports les entrées et les sorties du commerce intercontinental, devraient conduire à
favoriser l’émergence de métropoles d’équilibre. Cette perspective renvoie plus largement à une
meilleure articulation de la conurbation DAKAR-DOUALA à ses hinterlands nationaux, ainsi que dans
les deux sous-régions CEDAO et CEMAC. Elle doit se traduire dans ces métropoles d’équilibre, dans
le maillage des réseaux de transports et la complémentarité des activités économiques sur ces
territoires nationaux et sous régionaux. Cette vigoureuse politique d’aménagement du territoire

donnera toutes leurs chances de s’exprimer aux jeunes talents africains : architectes, urbanistes,
ingénieurs et artisans. Ils n’attendent que cela et notre aide au développement devrait
prioritairement accompagner leurs aspirations, notamment celles des plus modestes. Ce n’est pas
suffisamment le cas aujourd’hui et il convient de réexaminer d’urgence les politiques de l’Agence
Française de Développement (AFD) et des services sur lesquels elle exerce sa tutelle

Sanitaire et sociale

La concentration de populations fragiles dans des mégapoles lagunaires ne disposant pas des
infrastructures de transport, des réseaux d’eau et d’assainissement (déchets compris) à la hauteur
des besoins, fait peser des risques sanitaires importants. Dans son « Introduction au siècle des
menaces » (Odile JACOB 2004), Jacques BLAMONT identifiait ce risque comme étant majeur au
21ème siècle ; notamment les fièvres hémorragiques dont la contagiosité est sans commune mesure
avec celle, plutôt faible, du COVID 19. Cette politique sanitaire devrait faire l’objet d’une attention
et d’une coordination particulières dans la sous-région.

La question du logement des plus démunis, le logement social, doit être traitée en priorité en
proscrivant tout déguerpissement (destruction de vive force des habitats précaires édifiés sans titres
de propriété). Il n’est pas acceptable que les politiques d’aide au développement n’accordent pas
une priorité à cette question ; détruire l’habitat précaire de personnes âgées, de parents isolés,
d’enfants en bas âge n’est pas acceptable si les pouvoirs publics locaux ne sont pas en mesure
d’offrir une alternative à leurs citoyens. Pour les Etats financeurs, accorder la priorité à des
équipements publics faisant la part belle à leurs grandes entreprises confère une image cynique qui
fonde aussi le rejet actuel. Ces Etats seraient mieux inspirés de consacrer une part importante de
cette aide au développement à l’accompagnement plus direct des populations les plus fragiles, tout
en contrôlant cette aide efficacement.

Environnementale

Le risque de submersion de ces mêmes zones urbaines lagunaires, lié à l’augmentation de la
température de l’eau sur notre planète, constitue un second paramètre de réflexion à prendre en
compte dans la définition des politiques et des infrastructures à financer prioritairement dans les
années à venir.

Par ailleurs, la compétition autour de la ressource en eau dans le Sahel constitue d’ores et déjà un
ferment de révolte des populations locales ; il convient d’apporter des réponses à ces pénuries.
La répartition spatiale des activités économiques, comme celle des populations, dans les hinterlands
nationaux et sous régionaux, des infrastructures et services publics seront fondamentales dans la
définition des choix stratégiques en matière d’aménagement du territoire.

Economique

Le conflit russo-ukrainien vient de remettre la question agricole au centre des préoccupations du
continent. L’insécurité alimentaire que la Russie fait peser volontairement sur les populations
africaines renvoie à cette vision panafricaniste de Kwamé NKRUMAH qui voyait dans l’Afrique
Centrale, mais on peut lui adjoindre l’Afrique de l’Ouest, les bassins nourriciers du continent. Toute
politique économique qui permettra d’augmenter les rendements actuels sera de nature à apaiser
les tensions dans la sous-région : la mécanisation (elle aura un impact sur les choix industriels et
leurs implantations sur les territoires), l’autonomie dans la production des intrants, la gestion
raisonnée de la ressource en eau, la formation de techniciens, le développement d’une industrie
agroalimentaire. Ce développement des rendements ne doit pas être exclusif d’une agriculture
vivrière de proximité qui doit être préservée, notamment dans les hinterlands lointains. Des
complémentarités peuvent être trouvées entre les traditions d’élevages sahéliennes et les cultures
végétales du Golfe de Guinée et d’Afrique Centrale

Le projet de réforme monétaire de l’éco doit être mené à son terme au sein de la CEDAO pour
garantir souveraineté et puissance monétaire à ses membres, susciter un sentiment de réelle
indépendance et de fierté à leurs jeunesses. Par voie législative, la France a déjà fait sa part du
chemin en restituant les réserves de changes qu’elle détenait et en n’étant plus représentée au
conseil d’administration de la Banque Centrale d’Afrique de l’Ouest. L’accord semble aujourd’hui
trouvé entre les poids lourds de la ZMAO (Nigéria et Ghana) qui représentent 3/4 du PIB de la CEDAO
et les membres de l’UEMOA,sur une monnaie fluctuant au gré de l’évolution des principales devises
représentatives du commerce extérieur de l’Afrique de l’ouest : le dollar, de l’euro, le yuan et la
livre sterling

L’échéance de 2027 doit être tenue et l’expérience européenne du passage à l’euro de 1998 à 2001,
peut servir à élaborer un calendrier spécifique garantissant une transition harmonieuse pour les
économies qui rempliront les conditions. La préparation de cette transition constituera le centre de
gravité du succès de l’éco (Dénomination de la nouvelle monnaie ouest-africaine). Cette transition
monétaire devra prendre en compte ses conséquences fiscales et douanières qui perturberont les
activités économiques de populations transfrontalières profitant des distorsions actuelles.

Enfin, un effort coordonné d’identification et de localisation des industries stratégiques doit être
effectué sur la base de ces priorités démographiques, sanitaire, sociales, économiques, et environnementales examinées précédemment. Au regard des priorités que se donnera la sousrégion, une esquisse de stratégie et de localisation industrielles devrait émerger.
« Gouverner c’est choisir » (Charles Eugène de LEVIS)
« La grâce, c’est peut-être de voir ce qu’il faut choisir et ce à quoi, il faut renoncer » (Jacques de
Bourbon Busset)

Sécuritaire

La crise nigérienne démontre que le temps joue en faveur de putschistes ne représentant que leurs
intérêts ; un groupe d’officiers ambitieux, minoritaires et persuasif au sein de l’appareil de défense
du NIGER. Illégitimes, ces derniers ont profité de la mobilisation de leur armée nationale sur le
théâtre d’opération frontalier malien et burkinabé pour la forcer à accepter le coup d’Etat ; une
trahison manifeste.
Plus grave, pour assurer le succès de leur entreprise, ces officiers ont pris en otage leur propre
population en affirmant vouloir éviter un bain de sang que l’armée nigérienne n’aurait certainement
pas commis. Ces circonstances aggravent leur responsabilité et dans un tel contexte sécuritaire
intérieur et extérieur, la création d’une force ouest africaine, apte à intervenir dans les meilleurs
délais, se pose de manière évidente. La rapidité d’exécution, probablement espérée des officiers
légitimistes de l’armée nigérienne, aurait permis le rétablissement du Président BAZOUM et donné
un signal dissuasif fort à des émules potentiels. De la même manière se pose la question de l’appui
logistique des armées occidentales à ce corps de bataille doté d’un état-major multinational dédié
et équipé selon les meilleurs standards en matière de de renseignement et de communication.
Cette problématique sécuritaire se pose dans les mêmes termes qu’en matière de solidarité
économique et sociale dans la sous-région.
Et les tergiversations de l’Union Africaine ne sont pas
sans rappeler celles de la Société Des Nations en son temps ; elles encourageront les quarterons
galonnés et opportunistes à prendre leurs populations en otages pour pérenniser des systèmes de
prébendes et de favoritismes. Le respect de la déontologie doit être imposé au sommet des unités
et l’appui occidental doit passer par cet impératif

Enjeux et Perspectives nationales et locales

Deux notions semblent essentielles pour assurer que toutes les ressources disponibles à la
concrétisation de ces politiques publiques leur soient bien affectées : la citoyenneté et la
gouvernance. La carte de l’index de corruption ressentie publié par Transparancy International
donne un aperçu des efforts à consacrer à cette fin. Un terme définitif doit être donné à l’image
caricaturale donnée par certains agents publics sollicitant une contribution financière en
contrepartie d’une faveur ou d’une frauduleuse compréhension ; des pratiquestellement répandues
que les auteurs de ces infractions ne se cachent même plus lorsqu’ils sont filmés.
Elles devraient susciter un vaste mouvement de décentralisation des compétences et des moyens
pour les adapter aux besoins de proximité des populations urbaines et rurales.
A cet effet, les démocraties occidentales doivent impérativement coordonner l’action de leurs
acteurs diplomatiques, économiques et sécuritaires.

Décentralisation

Dans la plupart des Etats ouest africain, où 80% des PIB sont assurés par une économie informelle,
la part de la fiscalité affectée au budget des Etats peut être estimée à 70%. Le reste des ressources
fiscales est affecté, après négociation et sur des critères incertains ou discutables, aux collectivités
territoriales qui sont en mesure d’identifier finement les besoins de proximité de leurs habitants et
d’élaborer des politiques publiques adaptées. Il appartient aux Etats de répartir ces compétences
de manière cohérente, les moyens, de manière juste et progressive. Dans ce nouveau cadre, il
conviendrait de garantir que les transferts financiers des Etats vers les collectivités territoriales
s’opèrent de manière neutre et globale par blocs de compétences.
La Banque Africaine de Développement (BAD) estime le coût de la corruption à 148 milliards de
dollars, soit 25% du PIB africain. Ce constat doit conduire les gouvernements à mettre en place le
système de formation et de contrôle de leurs agents publics. Dans cet esprit le règlement des dettes
publiques devrait être numérisé de leur naissance à leur dénouement financier ; leur contrôle en
sera plus aisé.
L’effort de respect de la déontologie évoqué plus haut devrait passer par la réaffirmation du principe
d’égalité d’accès à l’emploi public (pas d’interférences dans les recrutements), la constitution d’une
fonction publique bien formée et d’un corps de contrôleurs à la hauteur des enjeux. D’ores et déjà,
des pays comme le Botswana et la Namibie ont su mettre en place des mesures qui leur ont permis
d’atteindre les niveaux d’indice de corruption comparables à ceux constatés dans les pays de l’Union
Européenne. Il n’y a aucune raison pour que les pays d’Afrique de l’ouest n’y parviennent pas.
Dans ce vaste mouvement de décentralisation, une compétence devrait faire l’objet d’une attention
particulière : le développement économique. Il devrait être confié au niveau territorial le plus
approprié et mettre l’accent sur l’appui aux jeunes créateurs d’entreprises dans la périphérie des
mégapoles, comme dans les hinterlands ruraux. Cet appui au développement devrait être structuré
sur les besoins réels des jeunes créateurs : formation, financement, immobilier d’entreprise,
secrétariats partagés

Gouvernance et déontologie politique

L’accession d’un parti ou d’un clan au sommet du pouvoir exécutif, donne l’impression d’une
crispation parfois glaçante de certains cadres dirigeants sur ses leviers. Les ministres et hauts
fonctionnaires donnent alors l’image caricaturale d’inféodés exigeants ; la finalité politique n’est
alors plus le service des citoyens, mais la pérennité d’un statut politique ou d’un train de vie. Les
violences systématiques qui émaillent les scrutins sont la conséquence directe de cette approche
clanique du pouvoir ; l’image de sagesse que veulent véhiculer les dirigeants africains devrait passer
par une certaine humilité de leurs subordonnés et un effort sans précédent d’éducation à la
citoyenneté. Cette fâcheuse tendance peut déboucher sur des dictatures dynastiques prédatrices.
Au contact de leurs administrés, ces mêmes dirigeants peuvent donner l’image paternaliste de
sauveurs ; à cet égard, il est courant que des gratitudes souvent orchestrées et filmées, assurent
une image qui ne correspond plus aux attentes démocratiques des plus jeunes et des plus éduqués.
C’est donc à une modernisation des comportements, mais aussi par cette décentralisation évoquée
plus haut, que ces comportements devraient évoluer.

Aménagement du territoire

L’articulation de la conurbation DAKKAR-DOUALA à ses hinterlands sous régionaux (CEDAO et
CEMAC), doit trouver des déclinaisons dans les politiques d’aménagement des territoires
nationaux ; le processus de décentralisation des documents d’urbanisme s’y prêterait à merveille.
Dès lors que les complémentarités et cohérences socio-économiques auront été arbitrées dans ces
vastes sous-régions, le choix et le développement des métropoles d’équilibre, ainsi que l’orientation
des flux d’investissements directs étrangers (IDE), seront plus aisés. L’effort de fiabilité foncière en
cours devrait porter en priorité sur les territoires en question pour rassurer les investisseurs et
limiter la spéculation.

Ces métropoles d’équilibre devraient favoriser la mise en valeur des cultures et communautés
locales, ainsi que les compétences de jeunes urbanistes, architectes et ingénieurs. Des projets
innovants seraient l’occasion de valoriser les matériaux bio sourcés de proximité, des architectures
régionales respectueuses de l’environnement et des infrastructures adaptés aux exigences du
XXIème siècle.

Sécuritaire

Au regard des défis sécuritaires de l’Afrique subsaharienne, les budgets sécuritaires et militaires
devraient être sanctuarisés. Il est urgent de sortir du cercle vicieux de la limitation des budgets (par
peur des coups d’Etat), pour constater que cette faiblesse des armées nationales conduit au
ressentiment et, en définitive, à la révolte de leurs chefs. Le corolaire pénal de cette sanctuarisation
doit être à la hauteur de la trahison que constitue le renversement d’un régime légitime.
Les système d’armes devraient faire l’objet d’une harmonisation favorisant l’interopérabilité.
Cependant, plus que dans tout autre domaine, les contrôles visant à s’assurer de la probité au sein
de la police et des forces armées doivent être des plus stricts. Les détournements constatés dans la
bande sahélienne ont constitué des signaux d’alertes que les services diplomatiques et les
représentations militaires des pays Européens ne pouvaient ignorer ; leurs gouvernements n’ont
pas voulu les voir, ni prendre les mesures de nature à en dissuader les auteurs

CONCLUSION

Ce qui est en jeu, aujourd’hui, n’est pas la pérennité de la présence française en Afrique ; c’est la
pérennité du développement et l’avenir de la démocratie sur un continent stratégique pour l’Europe
au 21ème siècle. A l’instar de la parité fixe du franc CFA adossée sur l’euro, la France doit avoir
l’humilité d’accepter une prééminence européenne sur ce continent, dans un monde qui réaffirme
des relations de puissance entre blocs continentaux. La stabilité de l’Afrique n’est pas seulement
stratégique pour la France, elle l’est surtout pour toute l’Europe comme le démontrent les tensions
issues des mouvements migratoires subis. Jouer seule, comme elle le fait encore trop souvent
aujourd’hui, serait vain et contreproductif.

L’urgence et la concomitance des politiques publiques évoquées ci-dessus impliquerait un choc de
financement et une capacité d’appui qui ne peuvent être assurés que par l’Union Européenne.
Même si les interventions françaises Serval et Barkhane ont pu sauver de nombreuses vies
humaines, à long terme, le départ des troupes françaises du Mali, du Burkina-Faso et peut-être,
demain, du Niger signe un échec ; celui de ne pas avoir su écouter et coordonner ses acteurs
diplomatiques, économiques et sécuritaires. Ces acteurs vivent dans l’illusion de connaître une
histoire, une géographie et des peuples qui évoluent à la vitesse des nouveaux médias.
C’est cette humilité dans la mise en œuvre d’une politique de développement multi vectorielle qui
permettra de dépasser un ressentiment entretenu par nos concurrents directs et indirects sur le
continent.

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