Jacques Attali: Faut-il réduire les dépenses publiques ?
Un certain nombre de débats apparemment distincts occupent aujourd’hui une partie de la scène publique en France.
La France est le seul grand pays européen à avoir à la fois un budget, un budget primaire, une balance commerciale et une balance des paiements déficitaires. Le déficit budgétaire devrait dépasser 170 milliards d’euros, alors que les dépenses et les recettes publiques de la France sont parmi les plus élevées au monde. Et pourtant, si l’on écoute tous les Français, l’argent manque partout (dans l’éducation, la santé, la police, l’armée, l’agriculture, les villes, la protection de l’environnement), et personne n’est prêt à payer plus d’impôts, ni à proposer le moindre économie en matière de personnel, de dépenses sociales ou de soutien à l’économie ou à la recherche. Et encore moins de réformes véritablement structurantes des institutions publiques, et notamment une réduction du nombre d’échelons de collectivités locales, qui sont au moins six en France (commune, communauté de commune, métropole, canton, département, région). L’Allemagne, en revanche, n’en compte que deux (communes et länder). Il n’est donc pas surprenant qu’avec les mêmes dépenses publiques en matière d’éducation, l’Allemagne soit capable de payer deux fois plus à ses enseignants.
Deuxièmement, une nouvelle réforme de la constitution approche à grands pas, qui donnera à la Corse une plus grande autonomie. Et comme, en France, il est hors de question d’accorder un avantage à un sans l’accorder, du moins formellement, à tous, le Président de la Région Bretagne vient de demander que ces avantages (dont le droit d’adapter une loi à le contexte régional, dépenser plus et lever plus d’impôts) soit accordé à toutes les régions. Une fois de plus, les avantages que chaque région en retirera, en termes de spécificité et de concurrence pour attirer les investissements et les talents, apparaissent clairement. Il faut toutefois s’attendre à ce que cela se traduise principalement par de nouvelles dépenses, et donc de nouveaux impôts. Et comme toutes les régions ne correspondent pas à un découpage historique, géographique, culturel ou économiquement rationnel, on voit mal pourquoi départements, métropoles et communes ne devraient pas exiger les mêmes privilèges. La structure entière de la nation serait brisée. Et nous ne pouvons nous attendre à aucun changement positif dans les dépenses publiques. Au contraire…
Dans le même temps, les rapports se multiplient expliquant ce que le pays a à gagner d’une marche forcée vers l’usage généralisé de l’intelligence artificielle dans l’économie, sans vraiment mesurer l’importance qu’elle pourrait avoir aussi (et a déjà dans de nombreux pays), dans un contexte une gestion des services publics beaucoup plus efficace, plus utile aux citoyens et moins coûteuse. Bien sûr, comme toujours, il servira en premier lieu, comme en Chine, à rendre la police plus efficace (en prévoyant les crimes et délits), à mieux contrôler le trafic routier, notamment les voitures autonomes, à mieux collecter les impôts et à lutter fraude. Et encore moins pour les choses extraordinaires qu’il peut faire pour améliorer l’assurance maladie (comme le fait par exemple le site alan.com), pour simplifier les démarches administratives (comme le fait le site empathy.com par exemple) et des milliers d’autres exemples dans d’innombrables Des comtés américains pour la gestion de leurs appels d’offres, ou dans certains pays baltes pour la gestion de l’essentiel de leurs ministères.