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INTERVIEW D’ERIC GIUILY « Loin d’être une affaire de gourous, la com repose sur un certain nombre de règles »  

Enarque, Eric Giuily est depuis 2009 à la tête de CLAI communications, cabinet indépendant de conseil en stratégie de communication corporate et institutionnelle. Pour le Cercle des Libéraux, il revient sur « Affaires de com’ », stratégies gagnantes, stratégies perdantes (Odile Jacob, août 2011).

Le C.D.L : Quels domaines abordez-vous dans votre livre ?

Eric Giuily : « En m’appuyant sur mon expérience de président d’un cabinet indépendant de conseil en stratégie de communication, CLAI, j’ai souhaité montrer que la communication corporate et institutionnelle, loin d’être une affaire de gourous, reposait sur un certain nombre de règles. J’explique donc les techniques dont l’emploi permet le succès des stratégies de communication. Il faut savoir choisir son terrain, bien le préparer, l’occuper à bon escient, ne pas hésiter à en explorer de nouveaux et parfois à en changer. Et enfin, un point essentiel : savoir traverser les terrains minés ».

Le C.D.L : Quelles sont les stratégies préconisées pour réussir ? A l’inverse, quelles sont celles à bannir ?

E.G : « Chaque situation est un cas particulier et le succès d’une stratégie de communication dépend avant tout d’une bonne analyse de la situation : les enjeux, les risques, les points forts à souligner, les sujets délicats, les publics à qui s’adresser… A partir de là, on peut bâtir une stratégie. L’important, une fois le choix fait, est d’essayer de s’y tenir et surtout, notamment en période de crise, d’éviter les vérités successives. Il ne faut pas se mettre en situation de se contredire à quelques jours ou quelques semaines d’intervalle. A défaut, on cesse d’être audible et il n’y a plus de stratégie gagnante possible. Dans mon livre, je donne comme exemple de stratégie réussie celle de Bernard Kouchner face aux accusations de Pierre Péan dans son livre « Le monde selon K ». A l’inverse, Michèle Alliot-Marie et Eric Woerth ont beaucoup souffert, face aux accusations dont ils étaient l’objet, de stratégies inadaptées et de vérités successives ».

Le C.D.L : Dans un monde en crise, ne faut-il pas admettre que la seule maîtrise de ces compétences n’est pas suffisante pour réussir et que seule la touche personnelle reste le juge de paix ?

E.G : « Aussi brillant soit-il, le succès d’un plan de communication dépend très largement de ceux qui le mettent en œuvre et notamment de ceux qui prennent la parole. Le message le plus intelligent n’aura pas de portée s’il est mal exprimé et l’attitude physique compte souvent plus que les paroles : le « body language » est essentiel. Par ailleurs, dans notre métier de conseil, la touche personnelle est également essentielle. Tout est affaire de confiance entre le consultant et son client. Contrairement aux financiers ou aux juristes par exemple, nous n’avons pas d’argument objectif tangible pour justifier nos recommandations – pas d’arrêt de la Cour de Cassation, pas de tableau Excel d’analyse de rentabilité, uniquement des convictions qu’il faut faire partager ».

Le C.D.L : Plus généralement, les Français ont la réputation d’être moins efficaces en ce qui concerne le lobbying. Cette caractéristique est-elle en train de changer ?

E.G : « Le problème c’est que pendant très longtemps, notre conception rousseauiste de la loi – expression de la volonté générale – a conduit à nier la légitimité de la défense d’intérêts particuliers. Le lobbying était donc une activité inavouée et mal considérée. Fort heureusement, ces réticences sont en train de disparaître, comme en témoigne la volonté récente de l’encadrer plus clairement à l’Assemblée nationale et au Sénat, ce qui revient aussi à en reconnaître l’existence et la nécessité. L’exemple de Bruxelles et du Parlement européen a certainement beaucoup joué dans ce changement d’approche. Notre métier repose sur l’idée que tous les intérêts ont le droit d’être représentés et défendus, que ce soit face aux médias, face aux décideurs, notamment aux pouvoirs publics, ou face au Parlement. Il s’agit de faire valoir son point de vue et de l’illustrer. Les décideurs restent libres et responsables de leurs choix, ainsi éclairés ».

Propos recueillis par Magali.Barthès

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