Interrogations critiques sur la politique africaine dEmmanuel Macron
Le Président de la République Emmanuel Macron a effectué un voyage en Afrique. Il sest rendu au Burkina Faso le 28 novembre dernier puis à Abidjan le lendemain pour participer au sommet de lUnion Européenne- Union Africaine.
Le voyage a suscité de multiples réactions et mérite une analyse critique.
Le Président Emmanuel Macron a eu raison de se rendre en Afrique et de souligner limportance de ce continent, pour son propre développement mais aussi au regard des enjeux géostratégiques quil représente pour la France et lEurope.
Coutumier des discours- fleuve le discours de la Sorbonne sur lEurope en est un exemple , le Président Macron a abordé de très nombreux sujets : en loccurrence, la colonisation, laide au développement, le développement dune économie durable, limmigration et la politique de retour, lopération Barkhane, lextrémisme religieux, le terrorisme, la démographie, la santé, la formation des élites, les échanges universitaires, la francophonie, le sport, la culture et les biens culturels.
Sur chacun de ces sujets, il a adopté des positions tranchées, parfois excessives, qui risquent de se révéler à lavenir autant de pièges diplomatiques du fait de leur caractère irréaliste.
A ce titre, son discours dOuagadougou est empreint de lyrisme, affichant une volonté claire de conquérir lauditoire et de plaire avec des envolées qui frisent un pathos romantique hors de propos.
Cest ainsi quil commet une faute en flattant lopinion publique des Africains par sa déclaration : « Je suis dune génération de Français pour qui les crimes du colonialisme sont incontestables ».
Assimiler le colonialisme à un crime contre lHumanité, cest pratiquer le révisionnisme historique, mais cest surtout alimenter la haine des esprits revanchards qui sont animés par un racisme anti-blanc qui se répand aujourdhui partout en Afrique et en France avec les dérives communautaristes comme les revendications des «racisés » noirs.
De tels propos ne sont pas de nature à apaiser les relations franco-africaines, bien au contraire.
De plus, le Président de la République, en attaquant laide publique française au développement qui irait trop peu sur le terrain, trop peu justement aux jeunes, passe par pertes et profits le travail de dizaines de milliers de coopérants français qui nont ménagé ni leur peine ni leur passion pour éduquer, soigner, former des générations de cadres africains.
Lancer un appel pour faire barrage à lextrémisme religieux est certes louable, mais illusoire pour combattre le prosélytisme intégriste musulman qui se développe avec force et mène lAfrique aux affrontements. Ce nest pas le genre de discours qui peut être compris par des fanatiques.
En matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme, comment ne pas également être étonné du coup de chapeau donné au Rwanda ? Rappelons que le Président du Rwanda a du sang français sur les mains, quil a joué les apprentis sorciers dans le déclenchement du génocide au Rwanda en 1994 en donnant lordre dabattre lavion du Président Juvénal Habyarimana ; et enfin il vient de commander à un cabinet davocats américain une étude sur les responsabilités françaises sur le génocide afin doccuper le terrain médiatique et de créer un écran de fumée pour masquer ses responsabilités…
Il sagit là dune faute qui sinscrit dans les bons gestes du Ministère des affaires étrangères mais qui resteront vains. Ce nest pas acceptable !
Une autre faute tout aussi impardonnable est de prôner le retour des uvres darts et daffirmer sans ambages : « Je veux que dici 5 ans, les conditions soient réunies pour la restitution temporaire ou définitive du patrimoine africain en Afrique »
Cest ouvrir une boîte de Pandore, alimenter une querelle culturelle dautant plus inutile et dangereuse que lArt africain est, en France et en Europe, un ambassadeur sans pareil pour ouvrir les jeunes Français au monde de lAfrique.
La question ne se pose pas seulement pour lAfrique. Elle va relancer des querelles entre Européens mêmes. Laffaire des frises du Parthénon qui empoisonne les relations du British Museum avec la Grèce depuis des décennies va rebondir : quelle légèreté, quelle inconscience !
Saluons, cependant, la vieille idée, déjà mise en uvre, de visas spécifiques qui permettent des allers et retours entre la France et lAfrique pour de jeunes africains formés en France et qui, par leurs créations dentreprises, concourent à la production de richesses profitables à lAfrique et à la France.
De la même manière, souligner que le français est une langue tout autant africaine que française est une conversion inattendue dEmmanuel Macron qui sétait adressé en « globish » à luniversité Humboldt de Berlin. Acceptons laugure de sa conversion et saluons donc sa promotion de la francophonie. La langue française nest plus seulement la langue des Français, elle vit et se développe aussi grâce à linventivité généreuse des Africains.
Toutefois, le Président Macron est bien discret sur le défi majeur que constitue la croissance démographique de ce continent dont lexplosion provoquera de multiples tensions et affrontements. Selon lINED, dans une étude du 20 septembre 2017, lAfrique qui compte 1, 2 milliard dhabitants aujourdhui devrait en avoir 2, 5 milliards en 2050 et quadrupler en 2100 avec 4,4 Milliards dhabitants. Cette croissance démographique annihile toute perspective de développement économique.
Il effleure le sujet en reprenant le thème, trop connu, du choix personnel des familles et des femmes qui aujourdhui ont « 7, 8,9 enfants», et dajouter « Je veux partout en Afrique quune jeune fille puisse avoir le choix de ne pas être mariée à 13 ans ou 14 ans(… ) parce que vous laurez voulu(…) ».
Louable appel, mais grandement insuffisant pour stabiliser l explosion démographique de lAfrique. Il sagit, certes, dun sujet délicat qui touche à la religion, à la culture, mais la réalité exige darrêter des mesures fortes et directives pour maîtriser la démographie. Il doit faire lobjet dune priorité des programmes de coopération. A défaut, lAfrique court à la catastrophe et ses répercussions sétendront jusquaux pays européens.
En somme, trop dillusions gouvernent la vision présidentielle de la politique africaine, comme le fameux engagement, répété à lenvi mais jamais tenu, de porter à 0,55 % du revenu national brut laide publique au développement. Il est vrai, les promesses ne valent que pour ceux qui les reçoivent.
Trop de romantisme imprègne le discours du Président E. Macron, loin des réalités ; le retour de bâton des désillusions est certain.