Général Dominique Trinquand : « La possibilité d’une guerre totale aux portes de l’Europe change la donne. »
Le 24 février 2022, lorsqu’il déclenche une opération militaire pour envahir l’Ukraine, Vladimir Poutine ne viole pas uniquement l’intégrité territoriale d’un pays : il bouleverse l’équilibre géostratégique précaire qui régnait sur le plan international depuis 1945. Un monde s’effrite. La possibilité d’une guerre totale aux portes de l’Europe change la donne. L’effet papillon de cette invasion militaire est saisissant. Derrière ce conflit qui n’implique en apparence que deux parties, un autre monde voit le jour.
Les géants d’hier entament une phase de transformation. De nouveaux rapports de force sont à l’œuvre. La suprématie des États-Unis est remise en question. La toute-puissance de la Chine s’affirme désormais sans fard. Les pays du Golfe, eux aussi, amorcent une recomposition. De son côté, l’Afrique cherche à sortir du giron des anciennes puissances coloniales. La France a perdu de sa superbe, elle qui a plus que jamais besoin de l’Europe pour amplifier sa voix. Au-delà des changements géostratégiques, cette guerre en Ukraine démontre également le caractère essentiel de la résilience des sociétés pour se protéger. Une résilience extrêmement difficile à bâtir au sein de jeunes générations de plus en plus globalisées et individualistes. Autant de périls à combattre et de défis à relever pour affronter ce monde qui vient.
Faut-il pour autant désespérer alors que l’inquiétude voir l’angoisse sont les sentiments qui dominent devant le monde perturbé dans lequel nous vivons ? Comment relever les défis qui s’offrent à nous ? Je dis qui s’offrent car il s’agit d’une opportunité offerte de construire le monde qui vient. Pour cela il faut analyser les événements des trente dernières années et en tirer les enseignements nécessaires à la construction d’un autre monde pas forcement meilleur mais en tout cas pas pire.
Trente ans ! Cela nous ramène à la chute du mur de Berlin, à la fin de l’empire soviétique et de la confrontation entre deux idéologies. Alors nous avons cru que la démocratie s’étendrait naturellement et que le libéralisme triompherai. C’est la fameuse « fin de l’histoire » de Francis Fukuyama.
Le premier choc est venu le 11 septembre 2001. Cette attaque monstrueuse au cœur du monde libre et libéral : Washington et le World Trade Center. L’image des tours s’écroulant, les milliers de victimes provoquent un choc magistral. Le monde entier est au chevet des Etats-Unis d’Amérique. Le Conseil de sécurité à l’unanimité se range aux côtés de la victime (Russie et Chine incluses). La première réaction de défense en attaquant l’Afghanistan où les Talibans au pouvoir ont refusé de livrer Oussama Ben Laden est saluée. Puis ce sont les erreurs successives : mettre en place la démocratie, changer les mœurs du pays, impliquer l’OTAN … Le résultat est le retour des Talibans et la débâcle de Kaboul après 20 ans et plus de 6 000 milliards de $ dépensés.
Le deuxième choc est en 2003 la guerre en Irak décidée par les Etats-Unis malgré l’absence de raison et l’opposition quasi unanime de la planère s’abritant derrière l’opposition marquée de la France. De cette époque date le recul de la crédibilité américaine amplifiée par les reculades en 2014 en Ukraine comme en Syrie.
Nous vivons le troisième choc depuis février 2022, Vladimir ayant jeté le masque. L’utilisation de la force dans la gestion des différents devient une possibilité si ce n’est une règle. Les Etats-Unis l’avaient fait en 2003, la Russie compte tenu de sa faiblesse militaire et de son erreur d’appréciation nous fait entrer dans une ère où l’Europe, pôle de paix retrouve dans la durée la guerre qu’elle croyait pouvoir oublier au moins sur son territoire.
« L’Espérance est une détermination héroïque de l’âme et sa plus haute forme est le désespoir surmonté. » Georges Bernanos. Il nous appartient de garder cette Espérance pour construire le monde qui vient.
