Et si Marine le Pen soutenait Zemmour en 2022
En 2022, Marine le Pen pourrait disposer de deux options : perdre dans le déshonneur ou se sacrifier pour la France, analyse l’essayiste Grégory Roose.. Toute prévision sur l’issue de l’élection présidentielle est par nature hasardeuse, d’autant que de multiples paramètres manquent encore à l’équation : Eric Zemmour ne s’est pas officiellement déclaré candidat, tous les prétendants au trône républicain ne sont pas encore connus et Emmanuel Macron lui-même n’a pas encore décidé s’il participerait à la bataille. Seule quasi-certitude, Marine le Pen ne gagnera pas. C’est pourtant la seule personnalité politique qui détient, en apparence, la légitimité, l’expérience, l’appareil politique et une réserve de voix suffisante pour faire gagner les idées opposées au progressisme destructeur. Mais la stratégie du Rassemblement national, outil de conquête du pouvoir comme un autre, se noie dans la normalisation, la neutralité excessive et les reculades idéologiques pour élargir sa base électorale, de sorte que son offre politique provoque bien davantage la déception des partisans que l’adhésion des courtisés. Contrairement à 2017, le RN est sur un pente électorale descendante, miné par des résultats décevants aux élections régionales et départementales et par une vague de démissions consécutives à l’entrisme et au népotisme dénoncés par les déçus et les exclus. Mais comme pour 2017, les médias sont relativement bienveillants à l’égard du RN, s’amusant à exciter l’opinion publique pour faire monter artificiellement, mais pas trop, les intentions de vote RN. L’objectif est simple, faire accéder Marine le Pen au second tour et envoyer l’artillerie lourde mediatico-politique pour faire gagner le candidat d’en face, quel qu’il soit. La petite phrase choc, le bon mot, étaient la force de Marine le Pen avant 2017. Mais depuis le débat-suicide de l’entre-deux tours, qui croit encore à sa capacité de pourfendre ses adversaires à coups d’arguments techniques, de postures, de références historiques avec une capacité inégalée à encaisser les attaques frontales tout en faisant trembler ses adversaires ?
Aujourd’hui, la clef de toute victoire politique, c’est-à-dire de conquête et d’exercice du pouvoir, réside dans trois qualités : l’incarnation, la dialectique et la compétence. Marine le Pen dispose-t-elle de ces trois qualités essentielles dont semble être doté Eric Zemmour (quoique l’incarnation soit certainement son point faible), son potentiel concurrent ? Si Zemmour et Le Pen ne sont pas sur la même ligne idéologique, ils devront séduire la même base électorale, usant nécessairement de coups bas, de divisions et de trahisons qui détruiront, en définitive, tout espoir d’accès au second tour. Dans ce scénario perdant/perdant, Zemmour serait accusé d’avoir fait perdre Marine le Pen, érigée en Sainte-Victime des anti et pros-France, et pourrait repartir tranquillement jusqu’en 2027 sans espoir de victoire. Il conviendrait donc d’élaborer une stratégie gagnant/gagnant. Cette stratégie est aussi simple qu’improbable, car elle se confronte à l’insurmontable mur de l’égo. Imaginons-la, néanmoins.
Eric Zemmour réussit son entrée en campagne et, à force de débats victorieux et de nouveaux soutiens, méthodiquement annoncés tout au long de la campagne, atteint les 10% d’intentions de vote, voire davantage. Dans ce scénario, sa candidature d’abord fantasque et concurrentielle pour le RN devient sérieuse dans une campagne où le duel Le Pen/Zemmour sera le centre d’attention des médias. A ce stade, deux options devront être envisagées : les deux candidats se neutralisent et aucun n’accède au second tour. Marine le Pen sera la victime autoproclamée d’un Zemmour diviseur et pourra repartir pour 2027 sans difficultés. La seconde option est plus audacieuse, mais appelle au sacrifice de Marine le Pen : renoncer à sa candidature et se rallier, au meilleur moment de la campagne, au candidat Zemmour. Une telle annonce provoquerait un électrochoc pour les médias et l’opinion publique et aurait pour effet de propulser le « rouleau compresseur » Zemmour dans la bataille du second tour. De son côté, Marine le Pen serait auréolée de la posture sacrificielle, offrant à la France une chance de réenchanter son destin.
En septembre 2017, Marine le Pen faisait la déclaration suivante. « Ce qui m’importe, c’est la défense de la France. Si un jour, même demain, il y a quelqu’un de mieux placé que moi […] pour rassembler les millions de Français qui sont nécessaires pour opérer le redressement de notre pays et retrouver notre liberté, alors je lui céderai la place. » Si le probable candidat Zemmour devenait en mesure de faire gagner nos idées, alors Marine le Pen se trouverait devant un cas de conscience déterminant pour l’avenir du pays : l’honneur dans le sacrifice ou le discrédit dans la mascarade.
G.Gerald
Anonyme
4.5