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Didier Le Bret : « La gauche doit redonner de l’espoir aux populations en difficulté»

Marqué par la crise des gilets jaunes, ce diplomate, ex-coordonnateur national du renseignement français entre juin 20154 et août 2016, aujourd’hui président du Club « 2022 des idées et des Hommes », invite la gauche à revenir vers son électorat de « base »

« Vudailleurs.com » : Qu’attendent les Français de la gauche, selon vous ?

Didier Le Bret : « Il y a un besoin de reconnaissance, d’être mieux entendu dans une part importante de la population française. Quand on se met au milieu de ronds-points avec des gilets jaunes, c’est un geste symbolique très fort. La gauche serait bien inspirée de tirer les enseignements de ce cri. Surtout, que les défis se télescopent : au niveau social, écologique… Pour y faire face, c’est bien plus qu’un énième programme de la gauche. Il faut prendre le temps de la réflexion. Nous sommes dans une crise majeure, où il faut réconcilier l’économie, l’écologie et le social. D’où cette démarche que nous avons de créer des clubs de réflexion à gauche. C’est ainsi que nous montrerons aux gens notre capacité à être à leur écoute. Ensuite, nous nous poserons la question de savoir qui est le plus à même de nous rassembler.

Quelles réponses le socialisme peut-il apporter face à cette crise majeure ?

Nous devons reprendre la discussion là où nous l’avons laissée au Club de Rome (groupe de réflexion réunissant des scientifiques, des économistes, des fonctionnaires nationaux et internationaux, ainsi que des industriels de 52 pays fondé en 1968). A l’époque, au cœur des débats, il y avait déjà la question de savoir si notre croissance était soutenable ! Des experts estimaient que nous allions épuiser les ressources de la planète dans les 30 années suivantes. Le problème est que ceux qui étaient réclamer de changer de modèle n’ont pas perçu la vitesse à laquelle la technologie allait se développer et repousser l’échéance. Du coup, ils ont été ringardisés. Ensuite, il y a eu la chute du mur de Berlin. Les progrès technologiques de ces dernières décennies ont alimenté le mythe que l’on peut continuer à croître économiquement tous les ans. Nous nous sommes bercés d’illusions.

Comment changer la donne ?

La France est un laboratoire à ciel ouvert. Beaucoup de gens innovent au quotidien en matière économique, écologique, sociale… Il faut partir de là, plutôt que de croire qu’on peut tout réinventer depuis Paris. La gauche doit s’adapter aux changements en profondeur de notre société par rapport à l’économie, à notre manière de nous déplacer, de nous nourrir, de communiquer. Tous ces paramètres doivent être revisités. Et tout doit bouger en même temps au niveau politique, entrepreneurial, associatif… Trop souvent, aujourd’hui, le politique a un temps de retard. Mais, surtout, la gauche doit redonner un horizon temporel et de l’espoir, se concentrer sur les populations en difficulté. 50 % des Français dans les villes de moins de 10 000 habitants se sentent oubliés… Je suis frappé par la similitude des revendications dans les cahiers de doléances des gilets jaunes avec ceux de 1789. Il y était aussi question de manque de reconnaissance, d’amour, de justice fiscale… Aujourd’hui, beaucoup réclament notamment de lutter contre la fraude fiscale des Gafa (Google, Amazon, Facebook…). En tout cas, pour sortir de cette crise, l’une des clés sera de donner les leviers aux gens en difficulté les leviers pour reprendre en main leur destin. Trop souvent, on sous-estime notre pays, sa capacité à innover face aux grands défis.

Comments

  • Anonyme
    novembre 12, 2020

    5

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