Côte d’Ivoire : Alassane Ouattara rentre dans l’histoire
L’ »ivoirité » en question
Le projet de constitution revient sur le concept « d’ivoirité », qui obligeait jusqu’ici les candidats à la magistrature suprême à être nés d’un père et d’une mère d’origine ivoirienne. Ses détracteurs avaient reproché à Alassane Ouattara son origine burkinabè et contesté son éligibilité (il n’avait pu se présenter que grâce à un décret).
Ce concept d' »ivoirité », qui visait les étrangers, notamment ceux originaires du Burkina Faso souvent présents depuis plusieurs générations, a miné depuis le début des années 2000 la stabilité du pays. Pendant dix ans, la Côte d’Ivoire a été coupée en deux entre un nord rebelle et un sud favorable à l’ancien président Laurent Gbagbo.
Le deuxième point de contestation, explique Anna Sylvestre-Treiner, correspondante de France 24 sur place, est la création d’une vice-présidence « pour assurer la stabilité du pays, argue Alassane Ouattara, mais pour l’opposition, ce poste est un peu flou. (…) Tout ce qu’on sait pour l’instant, c’est qu’en cas d’empêchement ou de décès du président, c’est le vice-président ivoirien qui prendra le relai. »
Enfin, troisième mesure problématique, le nouveau texte constitutionnel entend mettre en place un Sénat « dont un tiers des membres seront directement nommés par le président », précise Anna Sylvestre-Treiner.
L’opposition déplore enfin que les Ivoiriens n’aient eu que deux semaines à peine pour prendre connaissance du projet de 154 pages, que le Parlement a approuvé le 11 octobre.
Qui est Alassane Ouattara?
Alassane Dramane Ouattara, souvent désigné sous ses initiales « ADO », né le 1er janvier 1942 à Dimbokro, est un homme d’État ivoirien. Il est président de la République de Côte d’Ivoire depuis le 6 mai 2011.
Économiste de profession ayant notamment travaillé au FMI, il est Premier ministre de Côte d’Ivoire de 1990 à 1993, période pendant laquelle il assainit les finances publiques du pays et relance l’économie au prix d’une politique de rigueur budgétaire. Il est élu en 1999 à la tête du Rassemblement des républicains (RDR), mais ne peut se présenter aux élections présidentielles de 1995 et 2000 à cause du concept d’ivoirité.
Candidat à l’élection présidentielle de 2010, il est élu président de la République avec 54,1 % des voix selon la commission électorale indépendante et la quasi-totalité de la communauté internationale. Il exerce pleinement ses fonctions de chef d’État depuis l’arrestation de Laurent Gbagbo, qui refusait de quitter le pouvoir. Son investiture, qui officialise cet état de fait, a lieu le 21 mai 2011.
Depuis lors, il conduit une politique libérale et interventionniste visant à relancer l’économie du pays après la grave crise postélectorale que celui-ci a connue, produisant une forte croissance économique. Son administration investit également dans la réhabilitation de l’ensemble des infrastructures, et encourage les investissements dans le pays et le développement des TPE et PME. Alassane Ouattara est cependant critiqué pour sa gestion de l’armée et de la justice, accusées par les partis d’opposition de perpétrer des exactions contre des partisans de son prédécesseur et de se livrer à une « justice des vainqueurs ».
Il est réélu dès le premier tour de l’élection présidentielle de 2015.
Stéphane Geyres
Une politique ne peut pas être à la fois « libérale et interventionniste », il s’agit là d’un oxymore. Mais que fait ce monsieur pour assurer les conditions du capitalisme populaire, à commencer par le respect – voire la possibilité – de la propriété foncière privée ?