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Brexit : soyons lucides !

Le 23 juin 2016, les Britanniques se sont prononcés par Référendum en faveur de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.
Ce résultat redouté a provoqué la consternation chez les thuriféraires de l’actuel projet européen, consternation doublée parfois d’une volonté de punir ces maudits Anglais coupables de crime de lèse-Europe, pour ne pas dire de lèse-utopie.
Comme toujours, il convient de raison garder et surtout d’éviter la politique du pire au regard de nos intérêts nationaux bien compris qui ne s’identifient pas toujours à ceux de nos partenaires européens, voire aux principes défendus par l’Union européenne.

 

1) Le Brexit, un révélateur

 

Les raisons du Brexit sont multiples et il convient d’être prudent pour ne pas privilégier une cause par rapport aux autres.
De nombreux analystes pensent que la question des travailleurs venant des pays de l’Est (Pologne) a été l’un des facteurs déterminants, alors même que la liberté de circulation des personnes est l’une des quatre libertés de l’Union européenne.
En réalité, les raisons du Brexit doivent être recherchées dans un ensemble d’éléments qui relève de la conscience collective des Britanniques qui perçoivent dans l’Union européenne un processus aliénateur et captateur de leur souveraineté démocratique, voire de leur identité.
Or, il serait vain de feindre qu’ils sont les seuls à avoir ce jugement sur l’Union européenne.

 

Bien au contraire, nombre de peuples européens ont le sentiment d’être entraînés dans un projet intégriste qui ne se justifie pas. Le rejet en France et aux Pays-Bas du Traité Constitutionnel en 2005 l’atteste.
Le Brexit est bien un révélateur de la crise de l’Union européenne, un rappel aux réalités pour les utopistes.

 

De plus, si le Royaume-Uni a décidé de quitter l’Union européenne qui est une organisation internationale prévoyant expressément qu’un Etat puisse se retirer de l’Union (article 50 du Traité), le Royaume-Uni est toujours en Europe. La géographie reste une donnée intangible.

 

Comme le rappelait à juste titre Talleyrand, on fait toujours la politique étrangère de notre géographie, ne l’oublions pas au nom de nos intérêts bien compris.

 

2) Les enjeux économiques

 

Ils sont de deux ordres :
. les enjeux commerciaux
. les enjeux financiers : le passeport européen

 

Les enjeux commerciaux relèvent de l’Union douanière et de la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes. Le Marché commun est à l’origine du projet européen, il est au fondement même de l’Union européenne.

 

La France a un excédent commercial avec le Royaume-Uni de plus de 12 Milliards d’Euros qui représente le plus important excédent commercial de la France. De plus, la France est le quatrième investisseur au Royaume-Uni, le Royaume-Uni est le troisième investisseur en France.
48 000 Français travaillent à Londres et représentent 2% des employés de la Cité dans les banques d’investissement et opérations de marchés.
Notre objectif doit être clair, maintenir cet avantage et faire adopter dans le futur accord l’absence de droit de douanes avec le Royaume-Uni.

 

Les enjeux financiers : le passeport européen

 

Dans le cadre de la législation européenne actuelle, une entreprise, notamment financière, installée à la Cité de Londres, peut agir sur tout l’espace de l’Union européenne sans discrimination ; c’est le passeport européen.
L’expérience des banquiers de la Cité, leur expertise internationale, donne à cette place financière une force redoutable avec le concours de jeunes et brillants mathématiciens français… La Cité a tiré un immense avantage des possibilités d’action, on comprend dès lors pourquoi elle s’est opposée au Brexit.

 

Il ne saurait être question que la Cité puisse toujours bénéficier du passeport européen pour des montages financiers.
Si un accord de reconnaissance mutuelle dans le domaine financier est possible, il ne doit être que sectoriel et sur une base précaire afin qu’en cas de nouvelle législation dans le domaine financier de l’Union européenne, il puisse être vérifié si elle est appliquée par le Royaume-Uni.
Mais surtout, la sortie de la Cité des dispositions du « passeport européen » nécessite des efforts d’adaptation de la France pour recevoir les entreprises financières qui souhaiteraient s’établir sur le continent.
Paris doit, à ce titre, établir un statut de l’impatrié afin d’être concurrentiel face à d’autres places européennes. Il est urgent d’agir !

 

Le statut des personnes, acteurs économiques

 

Réglons aussi dans le meilleur esprit le sort des milliers de nationaux de part et d’autre de la Manche qui apportent chacun en ce qui le concerne, une valeur ajoutée à leur pays de résidence. Ils ne doivent pas être pris en otage.

 

3) Les enjeux géostratégiques

 

Le Royaume-Uni est notre allié et le demeure plus que jamais.
Membre permanent du Conseil de Sécurité, membre de l’Alliance atlantique, il est avec la France le seul pays à disposer en Europe occidentale de forces armées crédibles, même si sa force de frappe nucléaire ne bénéficie pas d’une totale indépendance en raison d’équipements américains, à la différence de la France.
La France entretient avec le Royaume-Uni une étroite coopération militaire depuis les Traités de Lancaster House de 2010 : mutualisation des matériels et équipements, utilisation des porte-avions, entretien mutuel de l’ A 400M, recherche commune en matière industrielle.

 

En matière de lutte contre le terrorisme islamique, la coopération est très étroite entre les services compétents.

 

Conclusion
Tout en défendant fermement nos intérêts, rien ne sert de courir « sus à l’Anglais » !
Nos intérêts diplomatiques, politiques et économiques sont étroits et mutuels avec le Royaume-Uni.
Toute volonté de vouloir punir Londres au nom d’un projet européen en question aujourd’hui et rejeté par les peuples, serait contre-productive et vouée à l’échec.
L’Europe doit être refondée non sur des utopies mais sur la réalité des Nations.
Nous devons, en conséquence, trouver des solutions de compromis dans nos relations avec le Royaume-Uni et dépasser le stade du ressentiment.
Nous pourrons alors en toute sérénité continuer à dire du mal de nos chers amis Anglais, ce qui reste un sport national !
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