Home / Politique / Thierry Breton, l’ingénieur qui a voulu structurer la puissance numérique européenne

Thierry Breton, l’ingénieur qui a voulu structurer la puissance numérique européenne

Dans un paysage politique et économique souvent dominé par les discours, Thierry Breton appartient à cette catégorie rare de responsables pour lesquels la technique, l’industrie et la stratégie ne sont jamais dissociées. Ingénieur de formation, dirigeant d’entreprise, ministre puis commissaire européen chargé du marché intérieur et de la politique industrielle, il a occupé pendant plus de quarante ans une place singulière dans la construction de la souveraineté numérique européenne.

Un parcours façonné par la culture scientifique française

Né à Paris en 1955, formé à l’École alsacienne, au lycée Louis‑le‑Grand puis à Supélec, Thierry Breton s’inscrit dans la tradition des ingénieurs qui ont marqué l’industrie française. Son passage à l’IHEDN renforce une approche systémique des enjeux technologiques, qu’il appliquera aussi bien dans l’entreprise que dans l’action publique.

Dès ses débuts, entre l’enseignement à New York et la création de Forma Systems, il s’impose comme un acteur de la transformation numérique naissante. Sa participation au développement du Futuroscope, aux côtés de René Monory, illustre déjà son intérêt pour l’innovation et les politiques industrielles territoriales.

Le dirigeant d’entreprise face aux défis industriels

Des années 1990 aux années 2010, Thierry Breton devient l’un des visages du redressement industriel français. Chez Bull, il participe à la restructuration d’un groupe en crise et pilote la fusion de Zenith Data Systems avec Packard Bell. À la tête de Thomson, puis de France Télécom, il intervient dans des contextes de forte tension financière, cherchant à stabiliser des entreprises stratégiques pour l’économie nationale.

Son passage à la direction d’Atos (2009‑2019) marque une décennie consacrée à la transformation numérique des entreprises européennes. Parallèlement, il préside l’Association nationale de la recherche et de la technologie et siège à l’Académie des technologies, consolidant son rôle dans l’écosystème de l’innovation.

Le commissaire européen et l’architecture du numérique régulé

Nommé en 2019 commissaire européen au marché intérieur, Thierry Breton se voit confier un portefeuille d’une ampleur exceptionnelle : industrie, numérique, défense, espace, audiovisuel, tourisme. Il devient l’un des artisans des grandes régulations qui redéfinissent aujourd’hui l’espace numérique européen :

  • Digital Services Act (DSA)
  • Digital Markets Act (DMA)
  • Artificial Intelligence Act (AI Act)

Ces textes structurent la réponse européenne aux géants du numérique et posent les bases d’une politique industrielle européenne tournée vers la protection des consommateurs, la concurrence équitable et la maîtrise des technologies stratégiques.

Sa démission en septembre 2024, à la suite de désaccords avec la présidente Ursula von der Leyen, clôt un mandat marqué par des débats intenses sur la place de l’Europe dans la compétition technologique mondiale.

Une figure de la technostructure européenne

À travers ses différentes fonctions, Thierry Breton s’est imposé comme une figure majeure des débats sur la transformation numérique, la souveraineté technologique et la politique industrielle. Son parcours illustre la manière dont l’ingénierie, la gestion et la régulation peuvent se rencontrer pour façonner les infrastructures économiques et technologiques du continent.

Qu’on analyse son action du point de vue industriel, politique ou européen, une constante demeure : la volonté de structurer un cadre capable de répondre aux défis du numérique, de l’intelligence artificielle et de la compétition mondiale. Une ambition qui continue d’alimenter les discussions sur l’avenir de l’Europe technologique.

Répondre

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

You don't have permission to register
error: Content is protected !!