Après des mois de tractations, de consultations techniques et de pressions parfois contradictoires venues des États membres comme des organisations cynégétiques, la Commission européenne a finalement revu sa copie concernant la restriction de l’usage du plomb dans les munitions de chasse. La version amendée, présentée le 16 décembre 2025 devant le comité REACH, introduit plusieurs inflexions notables, principalement sur les délais de transition. Un geste d’ouverture, certes, mais qui ne dissipe ni les inquiétudes ni les crispations autour d’un dossier devenu l’un des plus sensibles de la régulation environnementale européenne.
Des délais de transition réévalués : un réalisme contraint
La modification la plus significative concerne les balles de chasse à percussion centrale. Pour les calibres égaux ou supérieurs à 5,6 mm, la Commission propose désormais une période de transition de cinq ans, là où le projet initial ne concédait que dix-huit mois. Ce revirement, loin d’être anodin, traduit la prise en compte des réserves exprimées par plusieurs États membres, qui jugeaient irréaliste un basculement aussi rapide vers des alternatives sans plomb, tant du point de vue industriel que balistique.
Les calibres inférieurs à 5,6 mm, ainsi que l’ensemble des munitions à percussion annulaire, bénéficieraient quant à eux d’un délai de quinze ans, assorti d’une clause de révision au bout de dix ans. Cette distinction reconnaît implicitement les difficultés techniques propres à ces munitions : substituts encore balbutiants, coûts élevés, performances inégales. Autant d’obstacles qui rendent la transition plus complexe que ne le laissent parfois entendre les discours institutionnels.
Cartouches de chasse : une incohérence qui interroge
Si l’assouplissement est réel pour les balles, il ne s’étend pas aux cartouches de chasse, pour lesquelles la Commission maintient un délai de transition de trois ans. Une durée jugée courte par les acteurs du secteur, d’autant qu’elle contraste avec les cinq ans envisagés pour l’interdiction de mise sur le marché de ces mêmes munitions.
Cette dissonance réglementaire, régulièrement dénoncée par les fédérations de chasseurs et les professionnels, soulève des questions très concrètes : comment interdire l’usage avant d’interdire la vente ? Comment gérer les stocks, les approvisionnements, les périodes de chevauchement ? L’impression d’un dispositif juridiquement bancal et logistiquement impraticable nourrit un sentiment d’incompréhension, voire d’exaspération, dans une filière déjà sous tension.
Un processus REACH encore mouvant, sous observation constante
Il convient de rappeler que le texte discuté en décembre n’a rien de définitif. Il s’inscrit dans le cadre du règlement REACH, dont l’objectif est de limiter l’usage des substances chimiques jugées dangereuses pour la santé humaine et l’environnement. Le plomb, en raison de ses effets avérés sur l’avifaune et les écosystèmes, figure depuis longtemps parmi les cibles prioritaires des institutions européennes.
Les organisations représentatives, au premier rang desquelles FACE — qui revendique quelque sept millions de chasseurs à travers l’Europe —, suivent de près l’évolution du dossier. Elles plaident pour une approche proportionnée, fondée sur des données scientifiques robustes et attentive aux réalités du terrain. Parallèlement, l’industrie poursuit ses efforts pour développer des alternatives crédibles : cuivre, alliages divers, acier. Mais ces substituts, encore imparfaits, suscitent des débats nourris sur leur efficacité, leur coût et leur propre impact environnemental.
Une tendance irréversible : la sortie du plomb
Si la nouvelle proposition marque un infléchissement par rapport au projet initial, elle confirme néanmoins une dynamique de fond : la disparition programmée du plomb dans les munitions de chasse en Europe. Pour les chasseurs, la question n’est plus de savoir si la transition aura lieu, mais comment l’anticiper, l’organiser et l’absorber dans des conditions acceptables.
L’assouplissement concédé par Bruxelles ressemble moins à un recul qu’à une respiration dans un mouvement désormais irréversible. Le compte à rebours est lancé, et chacun — institutions, industriels, chasseurs — devra composer avec cette nouvelle donne.







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