La promulgation de la nouvelle Constitution du Bénin le 17 décembre 2025 a ouvert une séquence politique inédite dans l’histoire récente du pays. Parmi les réformes adoptées — allongement du mandat présidentiel à sept ans, création d’un Sénat nommé, et surtout instauration d’une trêve politique — cette dernière concentre les interrogations. Présentée par le président Patrice Talon comme un simple encadrement du calendrier électoral, elle est perçue par une partie de l’opposition béninoise comme un risque majeur pour le pluralisme démocratique. Entre volonté affichée de stabiliser la vie publique et crainte d’un rétrécissement de l’espace politique, le débat révèle les tensions d’un pays en pleine recomposition institutionnelle.
Une réforme constitutionnelle qui recompose le paysage politique
La réforme constitutionnelle de 2025 marque un tournant. En prolongeant le mandat présidentiel de cinq à sept ans et en instituant un Sénat dont les membres seront nommés, le pouvoir exécutif renforce son emprise sur l’architecture institutionnelle. Dans ce contexte, la trêve politique de six ans apparaît comme l’élément le plus controversé : une période durant laquelle les acteurs politiques seraient tenus de s’abstenir de toute activité assimilable à une campagne électorale.
Pour Patrice Talon, la mesure n’a rien d’une mise sous cloche du débat public. Le chef de l’État affirme qu’elle vise uniquement à faire respecter les règles existantes, souvent contournées, qui limitent les campagnes à deux semaines. « On en a fait un foin terrible », déplore-t-il, assurant que la critique de l’action publique restera pleinement autorisée. La trêve, selon lui, n’est qu’un rappel à l’ordre, un moyen de mettre fin à une agitation politique permanente qui fragilise la gouvernance.

Une opposition divisée entre prudence et inquiétude
L’opposition béninoise apparaît loin d’être un bloc homogène. Le parti Forces Cauris pour un Bénin Émergent (FCBE) adopte une position mesurée. Son conseiller juridique, Prosper Adoukonou, se dit rassuré par les explications présidentielles : les partis pourront continuer à « animer la vie politique », affirme-t-il, comme pour signifier que la réforme ne constitue pas une menace immédiate pour le pluralisme.
À l’inverse, Les Démocrates, principal parti d’opposition, voient dans cette trêve un risque de dérive autoritaire. Pour Guy Mitokpè, son secrétaire à la communication, la mesure est « antinomique avec la démocratie ». En limitant la possibilité de formuler des contre‑propositions ou de dénoncer les dérives du pouvoir, elle pourrait, selon lui, museler les voix critiques et affaiblir les contre‑pouvoirs indispensables à la vitalité démocratique.
Cette divergence interne illustre la complexité du moment politique : entre ceux qui cherchent à composer avec le pouvoir et ceux qui redoutent une consolidation excessive de l’exécutif, le débat reflète les lignes de fracture d’un pays en pleine mutation institutionnelle.
Un débat qui dépasse la technique juridique
Au-delà des explications officielles, la controverse révèle une inquiétude plus profonde : celle d’un possible rétrécissement de l’espace démocratique. La trêve politique, même présentée comme un simple outil de régulation, intervient dans un contexte où plusieurs réformes renforcent déjà le pouvoir exécutif. L’allongement du septennat, la création d’un Sénat non élu, et la centralisation accrue des institutions nourrissent l’idée d’une verticalisation du pouvoir.
Dans ce cadre, la question n’est pas seulement de savoir si la trêve limitera ou non la critique publique, mais de comprendre comment elle s’inscrit dans une architecture institutionnelle en pleine mutation. Pour certains observateurs, elle pourrait contribuer à affaiblir la dynamique pluraliste qui avait fait du Bénin un modèle démocratique en Afrique de l’Ouest.
Une démocratie à l’épreuve de ses propres réformes
La réforme constitutionnelle est présentée comme un moyen de stabiliser la vie politique, mais elle suscite des inquiétudes quant à la préservation du débat contradictoire. Le Bénin, longtemps salué pour la solidité de ses institutions, se trouve aujourd’hui confronté à une interrogation fondamentale : comment concilier efficacité gouvernementale et pluralisme politique ?
La réponse dépendra moins des textes que de leur mise en œuvre. Si la trêve politique se limite réellement à encadrer les campagnes électorales, elle pourrait contribuer à apaiser un climat politique souvent tendu. Mais si elle est interprétée comme un instrument de contrôle de l’opposition, elle risque d’alimenter les critiques et de fragiliser la confiance dans les institutions.
Dans cette période charnière, le Bénin avance sur une ligne de crête. Entre promesse d’apaisement et soupçon de dérive, la trêve politique apparaît comme un révélateur des tensions qui traversent la démocratie béninoise — une démocratie qui, plus que jamais, doit trouver un équilibre entre autorité et liberté.







Un commentaire