La Commission européenne vient de dévoiler sa stratégie 2025-2030 pour protéger les consommateurs. Publiée le 19 novembre, cette feuille de route ambitieuse s’attaque à tous les domaines de la consommation : achats en ligne, voyage, location de voiture, paiements, etc. Certaines nouvelles lois devraient voir le jour dès 2026. Bianca Schulz, responsable du Centre Européen des Consommateurs France, se félicite des priorités fixées par le Commissaire McGrath, mais propose d’aller encore plus loin, notamment face aux manquements de certains vendeurs sur les plateformes.
Produits dangereux, pratiques trompeuses, plateformes addictives… Comment protéger les consommateurs face aux géants du e-commerce ?
Bianca Schulz (BS) : La Commission européenne présentera l’an prochain une proposition de loi sur l’équité numérique. Ce projet vise à lutter notamment contre les dark patterns, ces techniques manipulatrices qui influencent le comportement des acheteurs en ligne. Mais aussi à réglementer le marketing d’influence et ses abus. La loi adoptée en France en 2023 pourrait servir d’inspiration, mais elle omet par exemple l’émergence des influenceurs virtuels, créés par IA. Le réseau des Centres Européens des Consommateurs salue notamment l’accent qui est mis sur la protection des mineurs. Encadrer les fonctionnalités addictives sur les réseaux sociaux (scroll infini, vidéos en boucle) ainsi que les interfaces manipulatrices dans les jeux vidéo, qui poussent par exemple à faire des achats, devient une priorité.
La Commission a également annoncé une série de mesures relatives au transport des voyageurs. Quelles sont les priorités envisagées ?
BS : Le secteur des transports et du tourisme est celui dans lequel nous recevons le plus de plaintes. Des révisions sont en cours sur les différents règlements et directives qui encadrent les droits des voyageurs. Mais il n’existe à ce jour aucune règlementation européenne harmonisée sur les locations de voiture. Nous nous réjouissons que ce marché puisse enfin être encadré avec des règles plus claires, des pratiques harmonisées et une meilleure transparence des conditions tarifaires. Parmi les obstacles à la mobilité des Européens, il reste aussi la difficulté de réserver en ligne un voyage transfrontalier. Par exemple, pour acheter un billet de train Lille-Munich en une seule réservation. Autant de défis que la Commission s’engage à relever dans les cinq prochaines années.
A propos d’obstacles, est-il encore aujourd’hui difficile de commander, acheter, payer dans un autre pays ?
BS : Beaucoup de barrières liées au géoblocage ont été éliminées, mais pas toutes. Aujourd’hui encore, un consommateur peut consulter une offre sur un site basé à l’étranger, mais se voir refuser la livraison. L’exécutif européen souhaite donc supprimer certaines entraves comme les frais de livraison de colis disproportionnés. Autre point soulevé par la Commission dans son agenda : la discrimination à l’IBAN, en principe interdite dans l’UE. Trop de consommateurs voient encore leur paiement, leur prélèvement bancaire ou même leur remboursement refusé simplement parce que leur compte est basé dans un autre pays de l’UE. C’est totalement illégal. Le réseau ECC-Net traite encore de nombreuses réclamations et est ravi que la Commission européenne en fasse une priorité pour définitivement achever le marché unique.
C’est donc un programme riche et ambitieux que présente l’UE, mais encore faut-il réussir à faire appliquer les lois. Comment peut-on garantir l’exécution de la législation dans 27 pays différents ?
BS : C’est en effet la difficulté, et la Commission y consacre tout un pan de son programme. Pour renforcer l’application des droits des consommateurs, il faut une coopération transfrontalière solide et un accès à la justice facilité. Par exemple, en obligeant tout commerçant d’un pays tiers à avoir un représentant légal ou une adresse dans l’UE dès lors qu’il vend à des consommateurs européens. Ensuite, nous saluons la volonté de renforcer les actions et pouvoirs des autorités de protection des consommateurs. Ces autorités doivent pouvoir agir vite, notamment pour mettre un site hors ligne ou le suspendre temporairement. Notre réseau coopère déjà avec les autorités nationales mais souhaite une reconnaissance accrue de son rôle de partenaire.
Retrouvez la prise de position complète du réseau ECC-Net, accessible en anglais.






