Home / Spiritualités / Paul Ier de Russie : un tsar oublié entre rancunes et tragédie

Paul Ier de Russie : un tsar oublié entre rancunes et tragédie

Dans l’ombre écrasante de Catherine II, Paul Ier de Russie (1754-1801) demeure une figure paradoxale de l’histoire impériale. Empereur éphémère, assassiné dans son palais de Saint-Pétersbourg après cinq années de règne, il incarne à la fois la fragilité du pouvoir autocratique et la violence des intrigues de cour.

Une filiation contestée et une enfance brisée

Fils officiel de Pierre III mais soupçonné d’être l’enfant illégitime de Sergueï Saltykov, Paul Ier traîne toute sa vie le doute sur sa paternité. Catherine II, sa mère, ne cesse de l’écarter des affaires de l’État, nourrissant une rancune tenace. Séparé de ses parents, élevé par Nikita Panine, le futur tsar reçoit une éducation solide, maîtrisant le français, l’allemand et plusieurs langues slaves. Mais cette jeunesse marquée par l’humiliation forge un caractère soupçonneux et irritable.

Le « tsar des paysans » contre la noblesse

À son avènement en 1796, Paul Ier prend le contre-pied de l’œuvre de Catherine II. Il se proclame « tsar des paysans » et limite la corvée, interdit le travail forcé les dimanches et protège les serfs contre les abus des propriétaires. Il libère des intellectuels emprisonnés, comme Alexandre Radichtchev, et réduit le monopole d’État sur le sel. Mais il durcit la discipline envers la noblesse : châtiments corporels rétablis, service militaire imposé, protocole rigide à la cour. Ces mesures tatillonnes lui aliènent rapidement aristocratie et armée.

Une diplomatie instable : de la coalition à Bonaparte

Sur le plan extérieur, Paul Ier engage la Russie dans la deuxième coalition contre la France révolutionnaire. Ses troupes, menées par le feld-maréchal Souvorov, remportent des succès en Italie et en Suisse. Mais déçu par l’Autriche et l’Angleterre, il se rapproche ensuite de Napoléon Bonaparte. En 1800, il adhère à la Ligue des Neutres avec la Prusse, le Danemark et la Suède, manifestant son hostilité envers l’Angleterre. Son obsession pour l’Ordre de Malte, dont il se proclame grand maître, accentue son isolement diplomatique.

La nuit du palais Saint-Michel

Le 24 mars 1801, un groupe d’officiers mené par le général Bennigsen fait irruption dans sa chambre. Sommé d’abdiquer, Paul Ier refuse. La scène dégénère : il est étranglé dans la confusion. Son fils Alexandre Ier, impliqué dans la conspiration, monte aussitôt sur le trône. Louis XVIII, alors en exil, affirmera que « l’or et la main du gouvernement britannique » se trouvaient derrière ce régicide.

Un destin shakespearien

Paul Ier de Russie incarne un souverain brisé par son enfance, obsédé par l’ombre de sa mère et de ses ancêtres. Ses réformes sociales, ses contradictions politiques et son tempérament fantasque en font une figure shakespearienne : un tsar assassiné, oublié par l’histoire officielle, mais dont le règne révèle les tensions profondes de l’Empire russe à la veille du XIXe siècle.

Répondre

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

You don't have permission to register
error: Content is protected !!