Solene Le monnier : « Les conseillers municipaux veulent être acteurs de leur mandat »
Démocratie : Par le peuple et pour le peuple ?
Nos concitoyens ont le sentiment qu’aujourd’hui les personnalités politiques semblent davantage s’adresser à elles-mêmes plutôt qu’au peuple.
Peu importe le message véhiculé et par qui, il ne parvient plus à atteindre les citoyens, qui ont le sentiment d’être de simples spectateurs d’un jeu de pouvoir qui les exclut.
Le sentiment de ne pas être écouté ou représenté conduit les citoyens à se désintéresser progressivement de la politique, ne voyant plus l’intérêt de participer aux élections puisqu’ils estiment qu’ils subiront, quel que soit le résultat.
26% d’abstentions aux élections présidentielles de 2022, 66,7% aux élections départementales et régionales de 2021, 54,5% aux élections municipales de 2020.
Cette désillusion se reflète également au niveau local.
Moins d’un électeur sur deux s’est déplacé pour élire ses représentants locaux aux dernières élections.
En juin 2023, nous dénombrons 38.412 élus ayant démissionné de leur mandat.
Soit 7,5% des élus municipaux (1.678 maires et 36.734 adjoints et conseillers municipaux).
94% des élus municipaux ayant mis fin à leur mandat en juin 2023
étaient adjoints ou conseillers municipaux.
La démocratie locale est actuellement confrontée à des défis majeurs qui mettent en péril son bon fonctionnement. Nous assistons à une vague de démissions d’élus locaux, une montée de la défiance des citoyens envers les personnalités politiques locales, et une abstention croissante lors des élections municipales.
Un grand nombre de nos élus locaux ont déjà démissionné ou prévoient d’honorer leur mandat actuel sans renouveler l’expérience par la suite. Outre les mutations professionnelles ou les raisons extérieures à la municipalité, les motifs de démissions des élus municipaux peuvent être regroupés sous un seul terme : la désillusion.
Ce sont majoritairement les conseillers municipaux qui démissionnent, ne pouvant pas agir concrètement.
Aujourd’hui, un maire concentre plus de pouvoirs au niveau communal que le président de la République au niveau national.
Des travaux sur le statut de l’élu local et les conditions d’exercice du mandat sont en cours, toutefois le sort des conseillers municipaux et leur rôle réel au sein des instances restent dans un angle mort.
Nous rappelons que le maire n’est pas élu au suffrage direct par les habitants.
C’est toute une équipe qui est élue pour administrer la commune. Et c’est l’équipe, une fois élue, qui choisit son représentant.
Nos conseillers municipaux sont aussi des élus de la république, ils sont élus par leurs concitoyens, ils doivent pouvoir porter leurs voix.
La démocratie, c’est « par le peuple et pour le peuple », le conseil municipal est nécessaire à l’expression de la pluralité des opinions.
Si celles-ci ne peuvent plus s’exprimer, la démocratie est affaiblie.
Quelque soit la gouvernance mis en place par les maires, aujourd’hui le système est ainsi fait, les conseillers municipaux n’ont plus que deux pouvoirs : celui de voter en conseil municipal et celui de démissionner. C’est une gageure pour les maires d’arriver à maintenir un conseil municipal vivant.
Les conseillers municipaux ne votent que ce sur quoi le maire décide de les faire voter et bien souvent sans avoir une connaissance approfondie du sujet. Ils se retrouvent donc dans un rôle de figurants obligés pour l’obtention du quorum nécessaire à la validation légale de décisions dont ils sont étrangers.
Les conseillers municipaux veulent être acteurs de leur mandat : pouvoir exprimer leurs opinions, être force de propositions, être partie prenante des décisions, être informés des affaires communales et intercommunales, être entendus. Les conseils municipaux ne doivent plus être de simples chambres d’enregistrement. Les propositions de solutions formulées et déjà transmises doivent être mises en action.
La préservation de la démocratie au niveau local est essentielle pour garantir la stabilité politique, la participation citoyenne et la légitimité des institutions.
La difficulté de trouver des candidats pour les élections de 2026 est une réalité. Et s’il y a des candidats, sans modifications du système interne des instances locales, nous nous retrouverons confrontés à la même situation de désengagement.
Sans élus locaux, la gouvernance ne se fera que par le haut. Il nous faut préserver le lien avec le territoire. Ce lien de proximité est vital pour notre démocratie.
Solene Le monnier
Présidente de l’UNEL (Union Nationale des Élus Locaux) – conseillère municipale – membre du conseil d’administration d’ECVF
Berg Alain
Je partage en tant que conseiller municipal et communautaire