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Monténégro : des progrès louables sont constatés dans la lutte contre la violence à l’égard des femmes, mais il faut agir d’urgence pour combattre les stéréotypes de genre, améliorer les enquêtes et les poursuites, et protéger les victimes

Dans son nouveau rapport publié aujourd’hui, le GREVIO, groupe d’experts indépendants du Conseil de l’Europe chargé d’assurer le suivi de la mise en œuvre de la Convention d’Istanbul, analyse les progrès réalisés depuis octobre 2018 au Monténégro et recense les domaines dans lesquels les autorités monténégrines devraient prendre des mesures urgentes dans le cadre de l’évaluation thématique visant à apporter soutien, protection et justice aux victimes de violence à l’égard des femmes et de violence domestique.

Le GREVIO se félicite que, depuis l’adoption de son rapport d’évaluation de référence sur le Monténégro, les autorités aient pris des mesures significatives pour continuer à aligner leur cadre juridique et politique sur les exigences de la Convention d’Istanbul. En particulier, à la suite de la suggestion du GREVIO, le Monténégro a adopté le Plan national de mise en œuvre de la Convention d’Istanbul. Par ailleurs, des modifications ont été apportées à la législation afin de délimiter précisément l’infraction mineure et le crime en matière de violence domestique, et la définition de la violence domestique inscrite dans la législation pénale a été alignée sur celle de la convention. Une autre évolution positive est l’amélioration de la collecte de données grâce à la mise en place d’une nouvelle base de données unifiée commune aux centres d’action sociale et à la police, même si des problèmes importants persistent en matière de collecte de données au sein des services répressifs, du système judiciaire et du secteur des soins de santé. Des progrès ont également été réalisés en ce qui concerne les services de soutien spécialisés, avec la création en 2024 de deux refuges pour victimes de violence domestique dans la commune de Bar.

Parallèlement à ces progrès, le GREVIO a recensé des domaines nécessitant l’adoption de mesures urgentes par les autorités.

Les stéréotypes de genre préjudiciables et les attitudes patriarcales persistent dans tous les pans de la société monténégrine, y compris dans les médias et dans le monde politique, et façonnent les attitudes des professionnel·les en contact avec les victimes ou les auteurs de violence, comme les agent·es des services répressifs, les procureur·es, les juges, les travailleuses et travailleurs sociaux et les professionnel·les de santé. Il est donc urgent de dispenser des formations à ces professionnel·les. Par ailleurs, les programmes de traitement psychosocial devraient avoir pour objectif de faire changer le comportement des auteurs de violence, et ne pas reposer exclusivement sur le traitement médical.

Ce problème d’attitude est étroitement lié à une autre question, qui est l’urgence d’améliorer le traitement des cas de violence à l’égard des femmes. Il existe en effet de graves dysfonctionnements dans la réponse – qui devrait être rapide et impartiale – des agent·es des services répressifs à ces affaires et dans le traitement de ces dossiers par les tribunaux, que reflètent les décisions en matière de droits de garde et de visite. Le GREVIO a également exprimé sa préoccupation quant à la protection effective des victimes au moyen des ordonnances d’urgence d’interdiction et des ordonnances de protection, dont la disponibilité et/ou l’utilisation sont limitées.

Il faudrait fournir d’urgence des ressources appropriées aux centres d’action sociale pour leur permettre de soutenir de manière adéquate les victimes de violence. S’agissant des services de santé, le GREVIO a souligné qu’il convenait de garantir le respect de la vie privée des victimes qui révèlent leur expérience de la violence, et de veiller à la mise en œuvre des lignes directrices existantes, notamment au sujet du traitement prioritaire des victimes. En outre, la coopération entre les institutions compétentes doit être améliorée en urgence.

Le rapport recommande aussi les mesures suivantes : garantir des ressources adéquates pour prévenir et combattre la violence à l’égard des femmes, notamment un financement pérenne pour les ONG de défense des droits des femmes qui gèrent des services de soutien spécialisés aux femmes victimes ; améliorer la collecte de données sur toutes les formes de violence ; adapter le matériel pédagogique dans l’enseignement formel afin de promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes et les rôles de genre non stéréotypés, et intégrer dans les programmes scolaires formels, d’une manière adaptée à l’âge, un enseignement portant notamment sur la notion de libre consentement dans les relations sexuelles et sur la question de la violence à l’égard des femmes. Les femmes victimes de violence ont également besoin, en urgence, d’avoir accès à une aide financière à plus long terme, à un logement social et à un accompagnement dans la recherche d’un emploi. Le rapport insiste aussi sur l’urgence de proposer des services de soutien spécialisés à toutes les victimes de violence à l’égard des femmes dans l’ensemble du pays. Les victimes de violences sexuelles bénéficiant actuellement d’un soutien extrêmement limité au Monténégro, les autorités devraient donner la priorité aux efforts visant à créer des centres d’aide d’urgence pour les victimes de viols et de violences sexuelles.

Le GREVIO a également souligné qu’il était urgent de faire en sorte que les procédures de médiation menées dans le cadre des procédures de droit de la famille ne constituent pas une médiation quasi obligatoire lorsqu’il existe des antécédents de violence domestique ; il faudrait détecter systématiquement les cas de violence dans ces procédures et exiger que les juges informent les parties de façon proactive du caractère volontaire de la médiation. Il convient d’éviter les interrogatoires répétés des victimes par différents organismes durant la procédure pénale et de mettre fin aux « confrontations » entre les victimes et les auteurs dans les procédures judiciaires ; les victimes devraient avoir la possibilité effective de témoigner sans que l’auteur ne soit présent.

Enfin, le GREVIO alerte sur la tendance émergente consistant à mettre en place un système d’agrément pour les prestataires de services. Un tel système risque en effet d’entraver la prestation de services de qualité en faveur des victimes de violence à l’égard des femmes et de violence domestique, car les critères d’octroi d’un agrément sont difficiles à remplir pour les petites ONG.

Le GREVIO et le Monténégro

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Le GREVIO est l’organe d’experts indépendant chargé de suivre la mise en œuvre de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (dite « Convention d’Istanbul ») par les Parties. Ouvert à la signature de tous les pays du monde, en plus des 46 Etats membres du Conseil de l’Europe, le traité a été ratifié jusqu’à présent par 38 Etats et l’Union européenne, et signé par six autres.

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