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 Mélody Mock-Gruet:  » Pourquoi encore un 49 al.3 ? « 

13ème 49 alinéa 3 de la Constitution sur le PLF 2024 Les explications de Mélody Mock-Gruet 

Docteure en droit public Spécialiste de l’Assemblée nationale Enseignante à Sciences Po Paris 

Auteure du Petit Guide du Contrôle Parlementaire, paru ce 17 octobre 2023 aux éditions L’Harmattan

 Il est de tradition que tous les groupes d’opposition votent contre le budget. C’est un marqueur d’opposition, et ce qui les définit en premier.

–       Les difficultés pour le Gouvernement à faire adopter le budget avec une majorité relative ont déjà été démontrées l’année dernière, avec l’utilisation à répétition de cet outil constitutionnel.

–       La commission des finances publiques a rejeté le texte, vendredi soir à minuit, par 19 voix contre 16. Même si les textes budgétaires étudiés en séance sont ceux déposés par le Gouvernement et non votés en commission, c’est un très mauvais signal pour la majorité et le Gouvernement.

–       La commission a profondément modifié le texte : les alliances de circonstance entre les oppositions (LFI, socialistes, LR ou RN) et parfois même certains députés de la majorité (Modem ou Horizons) se sont traduites par une série de défaites pour l’exécutif et d’adoption d’amendements contraires à l’avis du Gouvernement.

–       En séance, près de 5 200 amendements ont été déposés. Même si un certain nombre seront déclarés irrecevables, il y a une forte hausse par rapport à l’année dernière (3640).

–       L’article 49 al.3 a justement été conçu pour ce type de situation, par les constituants en 1958, dans le cas d’une Assemblée nationale sans majorité absolue. Ils voulaient éviter l’instabilité de la IVème République et permettre l’adoption de textes fondamentaux pour réformer le pays. 

–       Depuis la réforme de 24 juillet 2008, l’article 49 alinéa 3 est limité au vote des textes budgétaires (PLF et PLFSS) et à un seul autre texte par session. 

–       Ne souhaitant pas nécessairement éterniser les débats, le Gouvernement aurait tendance à engager sa responsabilité très rapidement.

Comment l’article 49 al.3 fonctionne ?

–       Le Gouvernement peut l’activer avant le début de l’examen du texte, pendant ou avant le vote sur l’ensemble du texte. 

–       Il faut au préalable une délibération du conseil des ministres.

–       La Première Ministre monte à la tribune pour annoncer la mise en responsabilité du Gouvernement sur le texte. Elle choisit le contenu du texte, en y intégrant, le cas échéant, les amendements qu’elle souhaite retenir. Elle peut présenter au perchoir la version initiale du texte, telle que présentée en Conseil des ministres, ou bien choisir certains amendements adoptés lors de la discussion parlementaire, voire des amendements ou des modifications qui n’ont pas été discutés. Même des dispositions écartées pendant la discussion éventuelle du texte par les députés peuvent être finalement réintégrés dans le texte retenu par le gouvernement.

–       Il n’y aura donc pas de vote solennel sur l’ensemble de la première partie du PLF, vote qui devait normalement avoir lieu le mardi 24 octobre, après les questions au Gouvernement.

–       Une motion de censure peut être déposée. Si elle est rejetée, le texte est considéré comme adopté par l’Assemblée nationale. Si elle est adoptée, le Gouvernement tombe.

Quelle motion de censure sera discutée ?

–       Au préalable on peut noter qu’une motion de rejet préalable avait été déposée par le groupe de Mathilde Panot (LFI) sans succès hier soir. Les membres des groupes NUPES ont voté en soutien de cette motion. Les RN se sont abstenus. Les groupes de la majorité et les LR ont voté contre. 

–       Une motion de censure dite « provoquée » est une faculté des députés, en réponse du 49 al.3. 

–       L’année dernière, après chaque engagement de la responsabilité par le Gouvernement, une ou plusieurs motions de censure ont été déposées par des groupes d’opposition.

–       Il est donc fort probable que ce soit encore le cas, cette fois-ci, même si certains membres de la NUPES ont peur de la banalisation de cette procédure. La motion pourrait être débattue vendredi ou lundi en fonction de la date de dépôt (58 députés ont 24h pour en déposer une).

–       Une question en revanche se pose sur les membres cosignataires : les médias relatent des difficultés entre les LFI et les autres groupes. On peut donc se demander si cette fois-ci encore la motion sera inter-groupe, ou si elle ne proviendrait que d’un seul groupe comme LFI. Cela sera un premier marqueur politique et parlementaire de délitement de l’alliance de la NUPES.

–       Même si les LR ont présenté un contre-projet budgétaire hier, on voit peu de chance pour que ces derniers s’associent à la motion en la votant.

–       La comptabilisation des votants est un point central : seuls les députés favorables à la motion prennent part au vote ; l’abstention vaut soutien de fait au Gouvernement. 289 votes sont nécessaires pour censurer le Gouvernement. Le bulletin ne comprend qu’un vote : le POUR avec un code barre. Le vote a lieu dans une salle attenante à l’Hémicycle. Pour faciliter le processus et réduire la queue, deux tables répartissant les députés par ordre alphabétique (une de A à J et l’autre de K à Z) sont tenues par des agents / ou des huissiers. Les enveloppes sont alors scannées et mises dans des urnes scellées qui ne sont ouvertes qu’en cas de contestation. Les délégations de vote peuvent être autorisées en Conférence des présidents, ce qui veut dire que des députés non présents peuvent également voter. Mais un député ne peut détenir qu’une seule délégation de vote : soit les groupes organisent la répartition des pouvoirs entre leurs députés, soit les députés s’organisent directement entre eux et transmettent leur nom et celui du porteur du pouvoir à la Séance, en amont du vote.

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