Esquisse d’une réforme du système de santé Par Jean de Kervasdoué
Si, en France, l’argent ne compte pas ou peu dans l’accès aux soins, des barrières non financières se sont progressivement dressées rendant difficile, voire impossible, l’accès de nos concitoyens à des soins de qualité. Ainsi, il n’est plus rare de voir arriver aux urgences des malades atteints de cancers qui, jusque-là, n’avaient été ni diagnostiqués ni donc soignés. Leur maladie évolue sans cesse depuis plusieurs mois, voire plusieurs années. De même, des patients de plus en plus nombreux n’ont pas de médecins traitants alors qu’ils sont atteints d’une maladie chronique et sont en « affection de longue durée » (ALD), pour reprendre ici les termes de l’assurance maladie. Ils étaient 510 000 en 2018, ils sont plus de 800 000 fin 2023 !
Chaque jour les élus se battent pour assurer une certaine permanence des soins dans leur territoire et pour éviter que leurs administrés attendent des mois avant d’obtenir un rendez-vous chez un spécialiste, sans grand succès. Moins connu du Public, mais pas de la Presse, et notamment du Point, est le fait que les services hospitaliers ne se valent pas tous, certains sont même dangereux et devraient être immédiatement fermés. Si l’on ajoute à cela que le déficit de l’assurance maladie approchera les 20 milliards d’euros à la fin de l’année et que le seul moyen trouvé pour équilibrer ses comptes est de transférer des dépenses des régimes obligatoires aux assurances complémentaires santé, politique d’affichage qui ne règle rien, le tableau est complet.
La crise est profonde, elle perdure car l’on s’entête à croire aux remèdes magiques comme la prévention ou à penser que quelques expériences éphémères pourraient résoudre des questions structurelles qui engendrent l’inefficacité et l’iniquité du système. Pourtant, avec l’apparition de l’intelligence artificielle et des techniques de traitement massif de données, la situation a changé et des nouvelles voies se sont ouvertes. Il faut donc réformer, mais qui peut réformer ? Formellement, bien entendu, un jour, le Parlement sur proposition du Gouvernement. En réalité, dans le secteur de la santé et de l’assurance maladie, les grandes réformes se sont faites le plus souvent par ordonnance. Nous n’en sommes pas encore là car une éventuelle future réforme n’existe pas. En comparaison, la réforme des retraites est un sujet intellectuellement simple, même s’il est à l’évidence politiquement compliqué ; en effet, une réforme de la santé, elle, ne peut pas se résumer à quelques paramètres comme l’âge de la retraite ou le nombre d’années de cotisations. Qui peut donc en concevoir les grandes lignes ?
En la matière, l’administration qui, depuis des lustres bureaucratisée, rigidifie, complexifie le moindre des problèmes en ignorant superbement les évolutions de la médecine mondiale et les expériences étrangères, a plus montré son incapacité que son imagination. Blaise Pascal, dans le fragment 743 des Pensées, explique pourquoi. « Dire la vérité est utile à qui on la dit, mais désavantageux à ceux qui la disent, parce qu’ils se font haïr or ceux qui vivent avec les princes aiment mieux leurs intérêts que celui du prince qu’ils servent, et ainsi ils n’ont garde de lui procurer un avantage en se nuisant à eux-mêmes ». Pourquoi prendre un risque quand on a une carrière toute tracée ? Qui condamnera un fonctionnaire pour non proposition de réforme ?
Un jour, un Gouvernement devra réformer. L’histoire montre qu’elle voit le jour, elle aura été préparée en dehors des partis politiques car, depuis des décennies, ils n’évoquent dans leurs programmes que les questions de remboursement des soins ou celle de la liberté d’installation des médecins. Les idées viendront de l’extérieur.