De Valparaiso à Nice – Appel pour une coopération renforcée entre le Chili et la France sur l’océan
Réunis à Valparaiso le 21 novembre 2024, Emmanuel Macron, président de la République française, et Gabriel Boric, président de la République du Chili, ont fait part de leur volonté de renforcer leurs relations bilatérales sur l’océan, et d’élever le niveau mondial de protection, de préservation et de conservation des écosystèmes marins et côtiers.
La France et le Chili sont des nations océaniques. L’océan unit et favorise le développement des deux pays. La dégradation rapide et généralisée de son état de santé appelle cependant une réponse résolue et efficace.
Dotés de vastes littoraux et zones économiques exclusives ainsi que de riches communautés diverses qui ont acquis une solide connaissance sur la mer, les deux pays sont conscients des pressions croissantes et des dommages causés à l’océan dans le monde entier, notamment en raison des changements climatiques, de la pollution et de la perte de biodiversité.
La France et le Chili œuvreront au renforcement de leur coopération afin de préserver ce bien commun de l’humanité qu’est l’océan. Régulateur de l’équilibre environnemental et du climat, l’océan fournit à l’humanité des ressources alimentaires et énergétiques essentielles. Il facilite par ailleurs les échanges économiques et constitue un lien vital entre les pays et les communautés humaines.
En tant que partenaires dans de nombreuses enceintes internationales, le Chili et la France sont déterminés à cheminer ensemble vers cet objectif commun de préservation, plus particulièrement dans le cadre de la décennie des Nations unies pour les sciences océaniques au service du développement durable (2021-2030) et de la troisième conférence des Nations unies sur l’océan (UNOC 3), qui se tiendra à Nice en juin 2025.
Cet appel « De Valparaiso à Nice » a pour but de relier les initiatives des deux pays dans la perspective de l’UNOC 3 et de porter ensemble pendant les mois à venir un certain nombre d’engagements communs.
1. Approfondir les connaissances sur l’océan
La France et le Chili reconnaissent l’importance de renforcer leur connaissance conjointe de l’océan, grâce à une solide collaboration scientifique, afin de parvenir à un océan sain et géré de manière durable. Une prise de décision éclairée en la matière nécessite de meilleures connaissances scientifiques.
Afin d’affiner les connaissances sur l’océan, les deux pays contribueront au renforcement des enceintes multilatérales dédiées. Ainsi, le Chili et la France se félicitent de la création d’un nouveau panel international d’experts sur la durabilité de l’océan (IPOS), comme mécanisme à l’interface entre politiques publiques et sciences pour répondre à la fragmentation des connaissances océaniques, et soutiennent son rattachement à la Commission océanographique intergouvernementale de l’UNESCO. Ils œuvreront par ailleurs à la transformation de Mercator Ocean, répertoire complet d’observations océaniques, en organisation intergouvernementale.
La France et le Chili renforceront leur collaboration scientifique et universitaire pour améliorer la connaissance de l’océan et son incidence sur le climat, encore peu étudiée, en s’appuyant sur les programmes de recherche bilatéraux et les centres de recherche spécialisés. Dans la lignée du « Blue Talk sur l’océan et le développement durable », co-organisé en 2024 par les ambassades de France et du Costa Rica ainsi que par l’Université pontificale catholique de Valparaiso, et de l’organisation de plusieurs éditions de la compétition internationale Ocean Hackaton avec les universités chiliennes, les deux pays veilleront à assurer la diffusion et la visibilité liées à ces enjeux à travers la mise en œuvre d’un cycle de débat d’idées.
Par ailleurs, les deux pays s’appuieront pleinement sur le développement de l’intelligence artificielle (IA) pour approfondir la connaissance de l’océan et des impacts du réchauffement climatique sur les écosystèmes marins. Ils pourront compter sur une coopération bilatérale dense en la matière, incarnée notamment par le centre de recherche d’excellence Inria Chile. La France et le Chili s’efforceront de porter cette vision d’une IA au service de la préservation de l’océan et de la biodiversité à l’occasion du Sommet pour l’action sur l’IA, qui se tiendra à Paris en février 2025.
En ce qui concerne l’Antarctique, les deux pays réaffirment la nécessité d’une coopération scientifique internationale ambitieuse. Ils reconnaissent également le besoin de poursuivre les efforts engagés dans les organisations du système du Traité sur l’Antarctique (Réunion Consultative du traité sur l’Antarctique et Commission pour la conservation de la faune et la flore marines de l’Antarctique), notamment en matière de protection de l’environnement ainsi que de conservation des ressources et de la biodiversité. A cet égard, le Chili et la France soutiennent la création d’aires marines protégées (AMP) en Antarctique. Par ailleurs, les deux pays poursuivront une coopération scientifique bilatérale étroite, conformément aux axes mentionnés dans la déclaration d’intention relative à la coopération en Antarctique signée par les ministres des affaires étrangères chilien et français le 20 juillet 2023 à Paris.
Signataire de l’Appel de Paris pour les glaciers et les pôles lors du One Planet Polar Summit de novembre 2023, le Chili salue, aux côtés de la France, la résolution des Nations unies consacrant les années 2025 à 2034 à la mise en œuvre de la Décennie des sciences de la cryosphère, dont le lancement se tiendra à haut niveau lors de l’UNOC 3 le 8 juin 2025.
2. Protéger l’océan et la biodiversité marine grâce à un multilatéralisme environnemental renforcé
Conformément à l’objectif de développement durable des Nations unies n° 14, la France et le Chili sont déterminés à protéger l’océan, notamment la haute mer et les fonds marins, contre les effets du changement climatique, l’acidification, la pollution marine et la surexploitation des ressources marines. Les deux pays réaffirment leur volonté de préserver les bénéfices environnementaux, climatiques, alimentaires, énergétiques et économiques procurés par l’océan.
La France et le Chili soutiennent le renforcement de la gouvernance internationale de l’océan, et appellent à pérenniser les Conférences des Nations unies sur l’Océan. Les deux pays rappellent l’importance de cette Conférence thématique, qui permet de réunir l’ensemble des parties prenantes sur les sujets marins afin de prendre des engagements concrets en faveur de l’océan. La France soutient la proposition conjointe du Chili et de la Corée du Sud d’accueillir l’UNOC 4.
La France et le Chili reconnaissent l’importance de l’accord portant sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale (accord BBNJ), comme l’un des piliers d’une gouvernance internationale de l’océan inclusive et holistique. Ayant déjà signé le traité, ils soutiennent son entrée en vigueur, qui nécessite la ratification d’au moins soixante États, d’ici la tenue de l’UNOC 3 à Nice en juin 2025. Figurant parmi les premiers pays à l’avoir ratifié, le Chili a montré la voie à suivre. La France a pour sa part achevé son processus national de ratification. Le Chili et la France invitent tous les pays à faire de même. Par ailleurs, la France soutient la candidature du Chili pour accueillir le secrétariat du BBNJ dans la ville de Valparaiso.
De leur côté, les deux pays renforceront leur coopération afin d’atteindre les objectifs de l’accord. Pour ce faire, ils promouvront le développement d’aires marines protégées (AMP) à grande échelle en haute mer, reconnaissant notamment le projet chilien des dorsales de Nazca et Salas y Gomez. Par ailleurs, ils développeront les évaluations d’impact environnemental des activités humaines dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale, la mise en œuvre d’un système d’accès et de partage juste et équitable des avantages qui découlent de l’utilisation des ressources génétiques marines dans ces zones et enfin le transfert de technologies marines aux pays en développement.
Dans le cadre multilatéral fixé par l’Autorité internationale des fonds marins, la France et le Chili continueront de promouvoir, a minima, un moratoire sur l’exploitation des fonds marins.
Les deux pays sont fermement attachés à la mise en œuvre du cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal qui vise, d’ici 2030, à conserver, et mieux gérer, notamment grâce à la désignation d’AMP, au moins 30 % des zones terrestres, des eaux intérieures et des zones marines et côtières, et à restaurer 30 % des écosystèmes marins dégradés. Les deux pays s’engagent à renforcer la protection et la conservation des écosystèmes marins et côtiers vulnérables, en particulier les récifs coralliens, les herbiers marins, et les mangroves. A ce jour, la France a déjà atteint son objectif national, avec 33 % de ses eaux territoriales couvertes par des AMP. De son côté, le Chili, qui compte 43% de ses eaux protégées par des aires marines, constitue un modèle à suivre en la matière. Forts des progrès réalisés, le Chili et la France continueront de soutenir les activités de la Coalition de la haute ambition pour la nature et les peuples. Ils reconnaissent que la réalisation de cet objectif mondial nécessitera une collaboration efficace et devra reposer sur des normes qualitatives solides. Les deux pays intègreront les écosystèmes marins et côtiers dans l’élaboration de leurs stratégies et plans d’action nationaux biodiversité. Ils rappellent l’importance des écosystèmes de carbone bleu dans le maintien des équilibres climatiques et environnementaux mondiaux. Le Chili rejoint ainsi le Partenariat international pour le carbone bleu.
Le Chili et la France continueront d’agir pour prévenir et réduire les facteurs de pollution, qu’elle soit chimique, plastique, ou de tout type, et les risques associés pour la biodiversité. Les deux pays tâcheront de réduire l’impact de ces pollutions sur la biodiversité marine et côtière. Concernant la pollution plastique, les deux pays sont déterminés à prendre des mesures ambitieuses afin de réduire la production et la consommation de polymères plastiques primaires. Ils invitent la communauté mondiale à faire de même et soutiennent la conclusion cette année d’un accord international ambitieux et juridiquement contraignant pour mettre fin à la pollution plastique sur l’ensemble de son cycle de vie.
Prenant acte de la pression sur les ressources halieutiques et les écosystèmes marins connexes exercée par la pêche, les deux pays s’engagent à promouvoir une pêche durable. La gestion durable de la pêche devra être fondée sur la meilleure information scientifique disponible, le principe de précaution et l’approche écosystémique. Enfin, ils s’efforceront de lutter contre les engins de pêche fantômes perdus ou abandonnés, qui nuisent considérablement à l’état et à la disponibilité de la ressource, piègent les animaux marins et polluent l’océan et les côtes.
La France et le Chili réitèrent leur engagement à se doter de plans pour un océan durable, en tant que membres du Panel de haut niveau pour une économie bleue durable. Les deux pays appellent l’ensemble des pays côtiers du monde à se doter de plans de gestion durable similaires.
3. La lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée
La lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN) est une priorité commune de la France et du Chili. Cette pratique représente une importante menace pour les écosystèmes marins et la santé des stocks de poissons.
Pour ce faire, les deux pays s’appuieront sur l’Alliance d’action contre la pêche INN, lancée lors de la deuxième Conférence des Nations unies sur l’Océan, et se mobiliseront pour renforcer les cadres existants, tels que l’accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port et les organisations régionales de gestion des pêches.
En amont de l’UNOC 3, ils exploreront les perspectives de coopération dans ce domaine (échange d’informations et d’expertise, entre autres), afin de lutter contre ces pratiques illicites dans les eaux territoriales et les zones économiques exclusives et de soutenir d’autres partenaires qui en font la demande.
4. Faire de l’océan un vecteur de décarbonation des économies
La France et le Chili sont fermement résolus à développer les énergies marines renouvelables (éoliennes offshore, usines marémotrices, etc.). Dans le cadre de son programme énergétique pluriannuel, la France s’est fixé l’objectif de mettre en service 50 parcs éoliens d’ici 2050, soit une puissance installée de 40 GW. De son côté, le Chili s’est doté d’un cadre normatif solide pour favoriser le développement des énergies renouvelables et décarboner son mix énergétique.
Les deux pays sont pleinement engagés dans le développement de l’hydrogène vert et bas carbone au service de la transition écologique. Ils formulent le souhait de soutenir la recherche pour la production d’hydrogène vert à partir d’eau de mer désalinisée, ressource inépuisable. La signature en septembre 2024 entre les deux pays d’une déclaration d’intention en matière de formation technique et professionnelle dans l’industrie de l’hydrogène vert et bas carbone au Chili devrait permettre de renforcer les filières. Les deux pays prennent l’engagement de soutenir ces filières ainsi que la recherche en la matière.
Convaincus que le secteur maritime peut contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), les deux pays sont déterminés à travailler ensemble pour accélérer la décarbonation du transport maritime, conformément à la Stratégie révisée sur la réduction des émissions de GES provenant des navires, adoptée en 2023 par l’Organisation maritime internationale. En particulier, la France et le Chili continueront d’œuvrer à l’adoption d’ici 2025 de mesures permettant d’atteindre les objectifs fixés dans la Stratégie révisée, notamment la cible de zéro émission nette de GES au plus tard en 2050. Le développement de carburants alternatifs à zéro émission, l’efficacité énergétique et le raccordement des navires à l’électricité à quai sont des solutions clés pour réduire l’impact environnemental des escales. Les deux pays encourageront les investissements dans les infrastructures de branchement, et plus largement la transition des énergies fossiles traditionnelles vers de nouveaux combustibles et technologies bas carbone ou décarbonés. La France et le Chili favoriseront, lorsque l’écosystème industriel s’y prête, la mise en place de corridors verts entre ports français et chiliens. Ces routes maritimes décarbonées requerront le développement d’initiatives favorisant une navigation plus respectueuse de l’environnement et de l’écosystème marin, traçant un chemin exemplaire pour la généralisation de technologies décarbonées.
5. Vers une coopération stratégique accrue afin de sécuriser la haute mer
La préservation de l’océan et la régulation des activités marines ne sauraient être menées à bien sans une sécurisation de ces espaces, qui implique un nécessaire respect du droit de la mer.
Cette sécurisation repose sur des capacités nationales, avant tout des femmes et des hommes qui s’engagent dans les armées des deux pays, ainsi qu’une filière industrielle en dialogue et coopération permanents. Les deux pays, disposant chacun d’une longue tradition marine, œuvreront conjointement à la structuration de cette filière. Ainsi, les deux pays s’engagent à travailler de façon coordonnée dans le cadre de la réunion des ministres de la Défense du Pacifique Sud (South Pacific Defence Ministers Meeting – SPDMM).
La lutte contre la pêche illicite et les pollutions maritimes repose sur des moyens civils et militaires efficaces capables de se projeter et d’être déployés sur la durée pour mieux contrôler, surveiller et réguler la haute mer, au-delà des zones économiques exclusives.