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Comité européen des droits sociaux : la protection insuffisante des travailleurs en cas de licenciement abusif en Espagne est contraire à la Charte sociale

Strasbourg, 29.07.2024 – Dans une décision publiée aujourd’hui sur le bien-fondé de la réclamation collective Unión General de Trabajadores (UGT) c. Espagne, réclamation n° 207/2022, le Comité européen des droits sociaux conclut que la législation espagnole n’offre pas une protection suffisante aux travailleurs en cas de licenciement sans motif valable et qu’elle n’est donc pas conforme à la Charte sociale européenne révisée (« la Charte »).

Dans sa réclamation, l’UGT alléguait que la situation en Espagne constitue une violation de l’article 24 de la Charte (droit à la protection en cas de licenciement), car le mécanisme d’indemnisation en cas de licenciement sans motif valable prévu par la législation nationale et tel qu’interprété par la jurisprudence nationale ne permet pas aux victimes de licenciements de ce type d’obtenir une indemnisation suffisante pour couvrir le préjudice subi et avoir un effet dissuasif sur les employeurs. En particulier, les travailleurs n’ont droit qu’à une indemnité plafonnée et prédéterminée par la loi, qui ne tient pas compte du préjudice effectivement subi.

Dans sa décision adoptée le 20 mars 2024, le CEDS rappelle qu’en vertu de l’article 24.b de la Charte, les États parties doivent reconnaître le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.

Les mécanismes d’indemnisation sont jugés conformes à la Charte lorsqu’ils remplissent plusieurs conditions, à savoir qu’ils prévoient le remboursement des pertes financières subies entre la date du licenciement et la décision de l’organe de recours, la possibilité de réintégration du salarié et/ou une indemnité d’un montant suffisamment élevé pour dissuader l’employeur et pour réparer le préjudice subi par la victime.

Le CEDS considère que l’indemnisation accordée en cas de licenciement abusif doit, par conséquent, être proportionnelle au préjudice subi par la victime tout en ayant un effet suffisamment dissuasif sur l’employeur. Tout plafonnement qui aurait pour conséquence que les indemnités octroyées ne sont pas en rapport avec le préjudice subi et ne sont pas suffisamment dissuasives est, en principe, contraire à l’article 24 de la Charte. En cas de plafonnement des indemnités accordées en compensation du préjudice matériel, la victime doit pouvoir demander réparation pour le préjudice moral subi par d’autres voies juridiques, et les juridictions compétentes pour accorder une indemnisation au titre du préjudice matériel et moral subi doivent se prononcer dans un délai raisonnable.

Le CEDS se félicite de l’évolution récente de la jurisprudence espagnole, qui reconnaît le droit à une éventuelle indemnité supplémentaire en cas de licenciement injustifié. Il note toutefois que l’indemnisation supplémentaire en cas de licenciement injustifié n’est possible que dans des cas exceptionnels d’après la jurisprudence nationale et ne serait donc pas applicable à tous les cas de licenciements injustifiés.

Le CEDS considère que les plafonds fixés par la législation espagnole ne sont pas suffisamment élevés pour réparer le préjudice subi par la victime dans tous les cas et pour avoir un effet dissuasif sur l’employeur et que, par conséquent, le droit à une indemnisation adéquate ou à une autre réparation appropriée au sens de l’article 24.b de la Charte n’est pas suffisamment garanti.

Par 13 voix contre 1, le CEDS a conclu qu’il y a violation de l’article 24.b de la Charte.

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La Charte sociale européenne est un traité du Conseil de l’Europe qui garantit les droits sociaux et économiques fondamentaux, en complément de la Convention européenne des droits de l’homme, laquelle traite des droits civils et politiques. Signée le 18 octobre 1961, à Turin, puis enrichie par sa version révisée en 1996, la Charte garantit un large éventail de droits humains liés à des aspects de la vie quotidienne tels que l’emploi, le logement, la santé, l’éducation, la protection sociale et les services sociaux.

Un Protocole à la Charte, ouvert à la signature en 1995, permet aux organisations syndicales, aux organisations d’employeurs et aux organisations non gouvernementales, qu’elles soient nationales ou internationales, de présenter des réclamations collectives concernant des violations de la Charte.

Le Comité européen des droits sociaux, composé de 15 membres indépendants, est l’organe de contrôle de la Charte. Il veille à ce que les États parties respectent les engagements prévus par la Charte au moyen de deux procédures : les rapports nationaux et les réclamations collectives.

L’Espagne a ratifié la Charte sociale européenne en 1980, puis la Charte révisée en 2021 et le Protocole additionnel prévoyant un système de réclamations collectives en 2022.

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